Manchester United commémore cette semaine le cinquantième anniversaire du crash de Munich qui a décimé, le 6 février 1958, l'équipe bâtie par Matt Busby, les Busby babes. L'horloge accrochée sur les murs d'Old Trafford est à jamais arrêtée sur trois heures et trois minutes. A cet instant, décolle de l'aéroport de Munich où il a fait escale le Lord Bughley, l'avion ramenant de Belgrade les gamins qui viennent de se qualifier pour les demi-finales de la Coupe d'Europe. «S'ils sont bons, ils sont assez vieux», répondait Busby, interrogé sur la jeunesse de ses protégés. Dans le brouillard, sur une piste encombrée de neige fondue, c'est la troisième tentative de décollage. «Tout était soudainement calme», se souvient le benjamin de l'équipe, le Gallois Kenny Morgans, alors âgé de 18 ans. «Comme si on savait que quelque chose allait se passer.» L'appareil ne prend pas suffisamment de vitesse, heurte une barrière, et s'écrase sur une maison vide. Sur les 44 passagers, 22 périssent immédiatement, sept joueurs, huit journalistes, des membres de l'encadrement. Duncan Edwards rend l'âme deux semaines plus tard dans un hôpital de Munich, à 21 ans. «C'est le meilleur que j'ai vu ou que je suis susceptible de voir», se souvient un survivant, Bobby Charlton, qui fut partenaire de George Best et adversaire de Pelé. «Nous aurions gagné la Coupe d'Europe. Nous aurions battu le Real Madrid. L'Angleterre aurait pu gagner le Mondial 1958. Mais il n'y avait pas de Duncan Edwards, pas de Tommy Taylor, pas de Roger Byrne, pas de David Pegg», affirme Charlton. «Tout le monde se souvient de l'assassinat de Kennedy ou du 11 septembre. L'impact de Munich sur United, sur la ville et sur le monde du football, est similaire», selon David Gill, l'actuel directeur général du club. Des dizaines de milliers de personnes font une haie silencieuse aux cercueils jusqu'au gymnase d'Old Trafford, pendant qu'en Allemagne, Busby lutte contre la mort, son sentiment de culpabilité, la terreur de faire face aux survivants. «Ces joueurs manquaient à Matt Busby plus qu'à personne d'autre. Il se sentait responsable», se souvient Charlton. Son adjoint, Jimmy Murphy, se rend au chevet de Busby qui lui demande de «continuer à faire flotter le drapeau». Murphy recrute en catastrophe. Treize jours après, United reçoit en Coupe d'Angleterre: «United va continuer», promet le programme avant une victoire 3 à 0 face à une équipe de Sheffields écrasée par l'émotion. Busby décide finalement de rebâtir et forme une autre génération, celle de George Best, de Denis Law. Dix ans après, United devient le premier club anglais sacré en Europe. Dans l'équipe victorieuse de Benfica (4-1), deux survivants de Münich, Charlton et Albert Scanlon, ne peuvent éprouver une joie totale: «On se sent toujours coupable d'être là», dit Charlton. Pour Scanlon, le pire, ce sont les proches. Je déteste rencontrer les familles. J'ai toujours en tête qu'ils me regardent en se disant: «Pourquoi est-il là, alors que mon gars est mort?»