L'émotion et l'intensité seront de la partie lors de cette grande finale. L'Egypte et le Cameroun, qui s'affrontent aujourd'hui en finale de la Coupe d'Afrique (CAN-2008), présentent deux profils différents, mais tous les deux très efficaces: une cohésion collective sans égale dans le tournoi pour les Pharaons, un mental indestructible pour les Lions Indomptables. Les Pharaons ont dominé le grand favori de la compétition, la Côte d'Ivoire, en éclipsant les vedettes des Eléphants, Didier Drogba en tête, en demi-finale (4-1). Les automatismes des Egyptiens, capables d'éclipser le ballon de longues minutes comme le magicien Houdini, ont renvoyé les brillantes individualités ivoiriennes à leurs études. L'équipe a évolué depuis son titre de 2006 mais a conservé son ossature: Essam El-Hadary dans les buts, Ahmed Fathy et Wael Gomaa en défense, Hosny Abd Rabou, Ahmed Hassan et Mohamed Abou Treika au milieu, Amr Zaky et Imad Motaeb devant. Et l'encadrement technique, autour du sélectionneur Hassan Shehata, est resté le même. La cohésion s'en trouve encore renforcée. «Le mental», répond d'un trait le vieux capitaine Rigobert Song, quand on lui demande le secret du Cameroun, annoncé moribond avant le tournoi et enterré après le 4 à 2 encaissé d'entrée contre l'Egypte, qu'il s'apprête à retrouver dans un tout autre contexte. «L'important dans le football moderne, c'est l'efficacité», assène encore le défenseur central. Le Cameroun, patient, a laissé le Ghana décider du jeu en première période de la demie, où il ne s'est presque rien passé, puis a courbé l'échine quand les Black Stars ont enfin attaqué, à l'heure de jeu, pour sortir et marquer la seule fois où la porte s'est ouverte (Nkong, 71). En quart de finale, contre la Tunisie, les Lions avaient victorieusement (3-2 a.p.) appliqué le même principe: défendre et attendre. Les deux équipes possèdent chacune un joueur emblème, sorte de précipité chimique de leurs qualités. Abou Treika, fin meneur de jeu, cristallise le don des Pharaons pour la circulation de balle. Malade, il a raté le premier match et, solidaire, il a accepté sans broncher de ne pas jouer non plus le deuxième, puisque l'équipe qui avait dynamité le Cameroun restait inchangée. Cet effacement devant les valeurs du groupe contribue à souder le collectif. Abou Treika est pourtant un héros en Egypte: il a marqué le tir au but décisif de la finale 2006 contre la Côte d'Ivoire (0-0, 4 t.a.b. à 2), et le but de la victoire en Ligue des champions d'Afrique d'Al Ahly en 2006, un tir dans le temps additionnel de la finale retour qui avait donné le titre au club cairote, à Sfax (1-1/1-0). Le combattant Rigobert Song est lui la synthèse du Cameroun. Il fait plus que ses 31 ans, et jeudi à Accra il n'a pas remporté le prix d'élégance en dégageant souvent loin ou en se retrouvant à terre sur quasiment chacune de ses interventions, comme un apprenti-boucher dans un match du dimanche avec l'équipe de son village. Mais pas une fois les Ghanéens ne sont passés. Le pragmatisme l'a emporté. «On n'a pas du tout l'intention de s'arrêter là, on va aller jusqu'au bout et on va ramener le trophée», promet Song (qui l'a lui-même levé au ciel en 2000 et 2002), pour signaler que le Cameroun veut maintenant rejoindre l'Egypte et coiffer une cinquième couronne sur sa crinière. Mais, attention, les Pharaons sont les champions «jusqu'à ce soir», rappelle Shehata, qui espère bien le rester. Et ils avaient déjà dompté et maté les Lions à Kumasi en leur infligeant un historique (4-2) qui restera à jamais gravé dans les mémoires des Camerounais et, surtout, des Egyptiens.