Tout porte à croire que l'Union générale des travailleurs algériens ne sera plus le partenaire social privilégié du gouvernement. La Centrale syndicale historique, Ugta, est sérieusement concurrencée par les syndicats autonomes. Place du 1er-Mai, on doit sérieusement se poser par mal de questions. S'il n'y va pas de l'existence du syndicat, de son essence même, il n'est de toutes les manières pas bien vu de se faire damer le pion. Par des «jeunots» de surcroît. Le champ syndical a pour vedettes d'autres noms aujourd'hui. Ils s'appellent Malek Rahmani, Farid Cherbal, Lemdani, Sadali...et bien d'autres encore. Ils ont investi le terrain depuis belle lurette déjà. Ils ne sortent pas du néant. Leur combat dure depuis quelques années. «L'aile syndicale du Cnes existe depuis 17 ans», a déclaré à L'Expression M.Malek Rahmani, coordonnateur national et porte-parole du Cnes. Cela n'est donc qu'un juste retour des choses. L'histoire a fait son petit bonhomme de chemin et les événements ont fini par s'occuper du reste. Les grèves récurrentes, ces dernières années, déclenchées par le Cnes, ont été assez âpres et dures. Des semaines interrompues par des protestations qui ont immobilisé le fonctionnement des universités. Un féroce bras de fer avait opposé les grévistes à leur tutelle. Le ministère de l'Enseignement supérieur. Les responsables syndicaux du Cnes, dans leur majorité, avaient été traînés devant les tribunaux, que ce soit à Alger, Oran, Constantine ou Béjaïa. Les salaires des enseignants grévistes furent bloqués. Ce qui a nécessité des sacrifices à la hauteur de leurs revendications. Les Algériens aiment les héros. Ils saluent les actes héroïques. Et c'est ce qui manque le plus du côté de l'ancien Foyer civique. «Plus de la moitié de la liste des statuts particuliers de la Fonction publique a été transmise à la Dgfp pour étude, soit 23 projets des 44 prévus, après avoir été validés par les fédérations relevant de l'Ugta et les administrations concernées», a déclaré dimanche à Alger le secrétaire général, M.Abdelmadjid Sidi-Saïd. Ce qui veut dire en clair qu'il faut encore attendre. Caricaturalement, les augmentations de salaires ont été annoncées en fanfare en été 2007. Elles devraient être effectives à partir du 1er janvier 2008. Les salariés n'ont encore rien vu venir. Engagée comme seul partenaire social dans les négociations avec le gouvernement, la Centrale syndicale est mise à l'index. Sa collusion avec l'Exécutif est montrée du doigt. Son secrétaire général a dévoilé sa stratégie. «L'Ugta a dès le départ privilégié la voie du dialogue fructueux tenant ainsi à s'éloigner de l'agitation stérile», a souligné Sidi-Saïd. La Coordination autonome et l'Intersyndicale de la Fonction publique qui sont formées par 20 syndicats, estiment avoir injustement été écartées des négociations. «Les autorités continuent à nous ignorer et à nous tourner le dos», nous a déclaré M.Malek Rahmani. Le secrétaire général du Snapest, M.Meriane, est quant à lui encore plus amer «c'est le mépris total», a-t-il fait constater. Les syndicats autonomes ne veulent plus s'en laisser conter. Ils ont décidé de prendre leur destin en main. D'où cette kyrielle de syndicats à couleur corporatiste. «Il est temps de donner à ce mouvement un nouveau souffle. Il faut mûrir le dialogue entre les syndicats, se concerter pour cerner tous les aspects des problèmes qui se posent à la société algérienne», nous a confié M.Malek Rahmani. Comment perçoit-il ses rapports avec l'Ugta? «Le Cnes est à côté de l'Ugta et non contre l'Ugta. Il faut tout simplement élever le niveau du débat dans la sérénité. Force est de constater que nos divergences occultent nos vrais objectifs», a répondu le coordinateur et porte-parole national du Cnes. Il a ajouté en substance que l'Algérie qui dispose d'une extraordinaire manne financière, peut facilement surmonter cette crise. M.Tayeb Louh a, apparemment, senti tous ces frémissements qui dessinent les nouveaux contours du monde syndical. Il a plaidé pour la consécration de «la culture du dialogue social». Il doit être pris en charge par le gouvernement, les organisations syndicales et le patronat ainsi que la société civile, avait déclaré le ministre. L'Ugta devrait se préparer à ne plus jouer en solo et les syndicats autonomes à assumer des responsabilités historiques.