Le président russe, Vladimir Poutine, a confirmé jeudi dernier qu'il deviendrait Premier ministre une fois parti du Kremlin, en mai, et qu'il jouirait d'importantes prérogatives face au futur chef de l'Etat, Dmitri Medvedev. «L'heure n'est pas aux pleurs, il faut se réjouir de la possibilité de travailler à un autre poste, de servir son pays à un autre titre», a-t-il dit devant un millier de journalistes au cours de sa dernière conférence de presse annuelle. Pulvérisant son précédent record (trois heures et demie), Vladimir Poutine a répondu pendant quatre heures 40' à une rafale de questions, une centaine au total, sur sa relation au pouvoir, son bilan ou, plus anecdotique, son programme pour la Saint-Valentin. «Je suis prêt à travailler en tant que chef du gouvernement», a-t-il déclaré, en présentant comme une formalité l'élection, le 2 mars prochain, de son dauphin Dmitri Medvedev, qu'il a présenté à plusieurs reprises sans ambages comme étant le futur président. Dmitri Medvedev, un juriste âgé de 42 ans qui a suivi M.Poutine de la mairie de Saint-Pétersbourg (nord-ouest) au Kremlin et lui doit tout, avait proposé, en décembre à son mentor, de devenir Premier ministre, s'il était élu. M.Poutine avait alors fait savoir qu'il accepterait mais n'était plus revenu sur cette question, alors que beaucoup d'analystes se demandent comment il peut devenir le subordonné du futur président, après avoir été, pendant huit ans, l'homme le plus puissant de Russie. Tout en assurant ne pas avoir de «dépendance au pouvoir», il a apporté un début de réponse en suggérant qu'il n'avait pas l'intention de jouer les seconds rôles et qu'il pourrait rester Premier ministre «aussi longtemps que Dmitri Medvedev sera président», soit jusqu'en 2012, voire 2016. «Le pouvoir exécutif suprême dans le pays, c'est le gouvernement russe et le chef du gouvernement», a-t-il affirmé, en notant qu'il était doté de larges prérogatives, du «budget (...) à la défense ou la politique économique internationale». Inversant les rôles, il a noté s'être déjà «fixé des objectifs à ce poste» en présentant hier un programme pour la Russie jusqu'en 2020. Et petite incidente, il a laissé entendre qu'il n'accrocherait pas le portrait de Dmitri Medvedev dans son bureau. Comme son entourage le suggère, Vladimir Poutine, fort de sa popularité et de son autorité actuelles, aura suffisamment d'ascendant sur son successeur. Il va donc continuer à diriger le pays aux côtés de Dmitri Medvedev, qui devra composer avec cet encombrant Premier ministre. Si un certain nombre d'analystes anticipent des risques de tiraillement, le président disposant aussi d'un grand pouvoir, Vladimir Poutine a assuré qu'ils se connaissaient bien et que leurs relations seraient «harmonieuses». «Au final, le dernier mot revient au chef de l'Etat. Mais, j'ai, bien sûr, le droit de donner mon point de vue», a-t-il tempéré. A Washington, le département d'Etat a ironisé sur les propos du président russe. «Ce n'est certainement pas le genre de déclarations auquel on peut s'attendre dans une démocratie saine, épanouie et vibrante», a déclaré, à la presse, le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack. Dressant un bilan flatteur de sa présidence, M.Poutine a expliqué «avoir ramé jour et nuit comme un galérien pour son pays» mais être «content de son travail». «Nous avons une situation stable, économiquement et politiquement», a-t-il résumé, ce que l'opinion russe, sans aucun, doute porte à son crédit après le chaos des années Eltsine. Interrogé sur ses relations avec l'Occident, le président sortant a de nouveau joué sa partition favorite, le «refus des ultimatums» et des leçons de morale, et réaffirmé que la Russie riposterait à toute poussée de l'Otan à ses frontières, notamment en Ukraine.