«Aucune de ces familles ne dispose d'un certificat de résidence à Birtouta.» «Où passerons-nous la nuit?» Une interrogation mais surtout un cri de douleur de trois fillettes âgées de trois printemps. D'une voix anxieuse, elles interrogent sans cesse leurs parents. Ne pouvant mentir, leurs pères tentent de les réconforter même si eux-mêmes -car le mal est très profond- sont inconsolables. C'est le quotidien d'une dizaine de familles sans toit depuis le 10 février. Habitant des bidonvilles au quartier Ennakhil de Birtouta, 32 familles ont été expulsées sur ordre du wali-délégué et du président de l'APC. Les brigadiers verts ont tout démoli, dénoncent, à l'unisson, ces familles. «Aucun préavis ne nous a été donné», a entonné Y.Dahmani. Les jours défilent et les maux s'accentuent. Installées depuis plus d'une semaine devant la Maison de la presse Tahar-Djaout au 1er-Mai, ces familles ont jugé «arbitraire» le comportement de ces deux responsables locaux. Une fois les baraques démolies, le président de l'APC s'est adressé à nous, disant: «Maintenant, j'ai la conscience tranquille», a souligné Mme Hamraoui, 39 ans. En sa qualité d'enseignante au primaire, elle précise qu'aujourd'hui un cours portant sur le rôle de la mairie et du maire l'attend. «Dois-je mentir à mes élèves? Où dois-je leur dire toute la vérité sur la face cachée de cette responsabilité des élus locaux?», s'est-elle interrogée. A l'instar de ses amis, Yacine est assis à même le sol, le regard perdu et triste. Les épouses vivent, elles aussi, au compte-gouttes. Sous une bâche en plastique noir, arborant l'emblème national, elles partagent ce malheur avec leurs enfants. Les affres du froid? Elles en connaissent un bout. D'ailleurs, plusieurs maladies -asthme, allergies, vertiges suivis d'encéphalites à cause des insomnies ainsi que les rhumatismes- qui les guettent. Ont-elles un brin d'espoir de se voir relogées un jour? Ces familles continuent d'interpeller le chef de l'Etat, afin qu'il intervienne en leur faveur. «Nous sommes prioritaires. Des dizaines d'appartements sont achevés et non habités», enchaîne Bouhlassi Hafsa, 34 ans, divorcée, mère de deux enfants et originaire d'Alger. Parmi le groupe, trois femmes enceintes. Leur santé et celle de leurs futurs bébés sont en péril. Les enfants en bas âge vomissent toutes les nuits. Les éléments de la Protection civile ne cessent d'intervenir afin de les évacuer vers les hôpitaux limitrophes. «Leurs frères, poursuit Mme Bouhlassi, ont abandonné les bancs de l'école.» De quoi se nourrissent-ils? «De quelques morceaux de pain que les passants nous offrent par pitié», ont expliqué ces femmes. Ces «exclus» réclament toujours, à cor et à cri, «leur droit au relogement», dans une lettre ouverte adressée au chef de l'Etat, par le biais des différentes formules de logements distribués. Les autorités locales avancent, pour leur part, les raisons justifiant cette expulsion. Joint hier par téléphone, le ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès n'y est pas allé avec le dos de la cuillère: «Aucune de ces familles ne dispose d'un certificat de résidence à Birtouta. Elles se sont installées pendant les dernières élections locales.» Et de préciser: «Ces gens ne sont pas tombés du ciel. Ils n'ont qu'à rejoindre leurs anciens domiciles.» Net et précis, le ministre poursuit: «L'intervention des autorités locales est légale. Elle a été faite selon les normes. Il ne s'agit, en aucun cas, d'un dépassement.» La décision d'exclure ces familles, précisons-le, intervient après que l'Institut Pasteur eut décidé d'ester ces personnes en justice pour «atteinte à la propriété» et «occupation illégale d'un terrain appartenant à l'Institut Pasteur». Dans une déclaration faite samedi sur les colonnes d'un quotidien national, le président de l'APC de Birtouta a affirmé que la décision de démolition a été prise par le comité de sécurité de la daïra de Birtouta, à la suite d'une décision de justice. «Nous ne sommes pas de ceux qui font du commerce avec la vie des gens. Nous avons appliqué une décision de justice et ces familles étaient informées depuis des mois de leur expulsion de cette parcelle de terre», a-t-il rétorqué.