La communauté scientifique tire la sonnette d'alarme: invasions biologiques, prolifération d'algues nuisibles, surexploitation des ressources halieutiques, eutrophisation des milieux aquatiques, etc. Ces problèmes émergents dans la Méditerranée suscitent des préoccupations majeures. La concentration des activités humaines au niveau des côtes constitue la principale cause de dégradation de l'écosystème marin. Le Rapport n°4 de l'AEE (Agence européenne pour l'environnement), en 2006, notait que sur plus de 601 villes côtières, avec presque 60 millions d'habitants, seulement 69% de la population exploitent une Step (station d'épuration), qui, par ailleurs, ne présente pas souvent les spécificités requises. Les métaux lourds, les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), les polluants organiques persistants (utilisés contre les nuisibles), rejoignent directement la mer. L'exemple de la baie d'Alger rend compte d'une écologie en alerte rouge: eaux usées urbaines et industrielles, des HAP, le mercure ont été relevés dans les sédiments constituant le plateau continental. Par ailleurs, l'azote et le phosphore (contenus surtout dans les eaux usées urbaines, et les effluents des industries de l'agroalimentaire) conduisent à l'eutrophisation des milieux aquatiques. Les constatations de visu font état d'une nette réduction de la faune benthique (organismes vivant dans les fonds marins et en dépendant pour leur subsistance), ainsi que de la dégradation des herbiers marins, tels que les herbiers de posidonie qui constituent une espèce-clé de l'écosystème méditerranéen, et qui ont totalement disparu des endroits où l'on pratique intensément la pisciculture. La conjoncture internationale, notamment la guerre du Golfe, a engendré un flux de trafic maritime plus intense en Méditerranée. Selon le Pnue (Programme des Nations unies pour l'environnement), plus de 80.000 tonnes d'hydrocarbures ont été déversées accidentellement dans la Méditerranée durant la période 1990-2005. La pollution provenant des sites de décharge près du littoral pose de graves problèmes. Les lixiviats (jus de décharge très toxiques) rejoignent la mer. Vient s'ajouter, ces dernières années, l'impact des stations de dessalement: température de la saumure évacuée, départ des biocides et des produits de corrosion ainsi que l'augmentation de la salinité dans les milieux d'implantation. Des écosystèmes reconnus en tant que tels sont de plus en plus sous les tentacules de promoteurs à court d'idées et de visions lointaines: extraction de ressources côtières, vol de sable, urbanisation à outrance. Ces pratiques vont agir de go sur la dynamique d'échange mer-terre. Le phénomène de la «tropicalisation» des surfaces sous-marines, sous l'effet des perturbations physiques (augmentation de la température, de la salinisation, etc.) est justement relevé au voisinage des zones touristiques en extension. Des espèces allogènes d'algues (non autochtones) supplantent des espèces locales. En 2006, l'AEE a recensé plus de 600 espèces. Actuellement, près d'une quinzaine de nouvelles espèces est relevée chaque année! Les constatations préliminaires des scientifiques sont peu encourageantes: diminution rapide de populations de l'étoile de mer (espèce locale) de la crevette (espèce locale), prolifération anarchique de la Caulerpa racemosa (espèce allogène). Les populations halieutiques de rougets et de merlus ont été contraintes de migrer vers des eaux plus profondes. Ce problème de la réduction du potentiel de la biodiversité se pose crûment pour la Méditerranée, favorisée en cela par l'étroitesse de son plateau continental. Comble du désastre: sur les 250-300km de plages de sable que possède l'Algérie, 85% sont en recul, perdant ainsi de 0,30 à 10,4 m/an, selon l'AEE. Le même problème se pose chez nos voisins tunisiens. La comparaison des images satellitaires, sur une longue période, a fait ressortir des zones de régression, de progression et de stabilité, de la frange côtière allant de Hammam Life à Solymar (100km de distance). Les infrastructures hydrauliques sont mises à l'index. Les barrages privent le littoral des apports sédimentaires. (colloque international Ensh, Blida, 2007). Sur un autre plan, les proliférations d'algues nuisibles (produisent des biotoxines) ou HAB (Harmful Algal Blooms) posent de graves problèmes de santé publique. Ce problème a largement gagné la Méditerranée dans des parties du littoral de la Grèce, de l'Italie, de la Croatie et de l'Espagne (étude de EMEP/MSC (Effects of international shipping on European pollution levels). Entre autres impacts conséquents à cette efflorescence algale: effets toxiques sur les populations humaines, mortalité du poisson, contamination des produits de la mer, modifications écosystémiques. La pêche intensive menace d'épuiser la Méditerranée. Une désorganisation biologique de la vie marine est due essentiellement à la pêche. Certaines espèces, comme les coraux et les éponges, sont particulièrement sensibles aux perturbations physiques causées par la traction des engins de pêche. Une nouvelle conception de cette pratique se réalise dans l'approche écosystémique favorisant les objectifs du développement durable: il ne faut pas seulement protéger les populations halieutiques, mais également l'environnement qui les soutient. Les actions en amont, notamment par le recours aux méthodes de biosurveillance marine, permettent de prévoir à temps les anomalies. L'insertion de la planification de nouveaux projets (exemple: unités de dessalement) dans des plans plus larges d'aménagement côtier, permet de définir et d'évaluer des mesures techniques pour minimiser les impacts. Le renforcement des juridictions, de la gestion intégrée des zones côtières (Gizc), ainsi que de la capacité socioéconomique de la gestion de l'environnement, permettent sur un autre échelon de considération de rendre plus efficace la protection du berceau de la civilisation humaine: la Méditerranée. Il est clair que la quantité de pollution produite par les pays du Nord est nettement plus importante. Un partage des responsabilités s'opère en conséquence. Ensh: Ecole nationale supérieure de l'hydraulique.