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“Nous sommes sur la voie de la mise au point de biopesticides à une échelle très avancée” M. Hakim Lounici, directeur du laboratoire de biotechnologie à l'Enp, à liberté
La pollution des sols, par les nitrates notamment, constitue aujourd'hui une entrave à la mise en œuvre de la nouvelle politique agraire, nonobstant le fait que la proportion des terres arables dans la superficie totale de l'Algérie n'excède pas les 4% ! Dans ce court entretien où le jargon scientifique se veut “discret”, le Professeur Hakim Lounici, directeur du Laboratoire de recherche de biotechnologie environnementale et génie des procédés (département génie de l'environnement) à l'ENP nous explique pourquoi. La pollution des eaux par les nitrates et les pesticides est une réalité criante en dépit du fait que l'agriculture pratiquée n'est ni franchement intensive ni “bio” ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Tous les acteurs de l'eau reconnaissent que l'agriculture est le principal responsable de cette pollution diffuse des ressources en nitrates. Pour deux raisons : depuis des décennies, elle rejette des nitrates d'origine minérale (engrais) et d'origine organique (lisiers et fumiers). Et ce, en quantité de plus en plus importante. Lors de l'épandage d'engrais azotés sur les cultures, le danger est de le répandre en trop grandes quantités. Ces excès peuvent être emportés par l'eau de pluie et aboutissent alors directement dans les eaux de surface. Par ailleurs, le nitrate est très mobile dans l'environnement. Bien qu'il soit souvent libéré sous forme de sels, ces derniers se dissolvent rapidement et libèrent l'ion nitrate. Le nitrate ne se lie pas aux particules présentes dans les sols ou les eaux et est donc facilement transporté par l'eau. Lorsqu'il pleut, le nitrate non absorbé par les plantes pénètre dans le sol et est capté par les eaux souterraines ou ruisselle jusqu'aux eaux de surface. Quant aux pesticides, souvent l'usage abusif et incontrôlé en est le facteur prépondérant, ajouté au fait que les agriculteurs généralement sous-louent leurs terres (propriétaires ou ayants droit d'exploitation) à des tierces personnes qui pour eux seulement les bénéfices immédiats comptent. La contamination par les nitrates dans la Mitidja a été révélée, voire confirmée par plusieurs études de recherches dont celle menée par votre laboratoire. À quoi est-elle due ? Pour les raisons évoquées ci-dessus et aussi par des caractéristiques locales. Par exemple : la forte concentration d'élevage du poulet, et plus récemment la dinde dans la région de la Mitidja d'où une production de déjections très riche en azote ; l'absence du réseau d'égout dans bon nombre de “villages” et la quasi-absence de stations d'épuration des eaux usées Pourquoi les nitrates menacent-ils la santé de l'homme ? Un apport plus important de nitrates augmente les nitrites dans notre organisme. Ces derniers peuvent former des substances potentiellement cancérigènes (les nitrosamines) chez de nombreuses espèces animales et chez l'homme. Les nitrites empêchent également la circulation de l'oxygène dans le sang. Le manque d'oxygène peut altérer les tissus et les organes. Il en résulte une coloration bleue de la peau (d'où le nom de maladie bleue ou cyanose). Cette pathologie affecte en général les nourrissons de moins de 6 mois. La consommation de concentrations importantes en nitrates peut aussi poser des problèmes au niveau de la glande thyroïde et entraîner des carences en vitamine A. Quel est l'impact direct des nitrates sur l'environnement et comment y remédier ? Les nitrates sont un nutriment essentiel pour les plantes. Lorsqu'ils sont présents en fortes concentrations dans les lacs et les eaux côtières, ils peuvent contribuer à la prolifération des plantes et des algues et avoir des effets toxiques indirects sur d'autres organismes aquatiques. Les algues peuvent réduire la teneur en oxygène de l'eau et menacer ainsi la survie de la faune aquatique ; en outre, certaines espèces d'algues peuvent produire des toxines dommageables pour les autres organismes aquatiques et les humains. Des concentrations excessives de nitrates peuvent également être nocives pour la faune aquatique. L'exposition des invertébrés aquatiques et des poissons peut produire divers effets : taille réduite, croissance plus lente et taux de reproduction plus faible. Pour y remédier en amont il faut se plier à l'obligation légale de raccordement à l'égout, sans quoi les eaux usées aboutissent dans le ruisseau ou la rivière sans traitement; installer un système d'épuration individuelle si la maison se trouve dans une zone non raccordée. Si l'on utilise quand même des engrais chimiques, suivre de façon très précise le mode d'emploi, afin de ne pas répandre inutilement trop de nitrates dans l'environnement ; mettre en place des “cultures intermédiaires dites pièges à nitrates” le principe est de semer, entre deux récoltes, du colza de fourrage ou de la moutarde. Ces dernières pompent les nitrates du sol en automne et sont enfouies en hiver ou au début du printemps, ce qui limite le passage des nitrates du sol dans la nappe et la valorisation des déjections animales. En aval, les eaux de surface doivent être épurées d'où l'installation des stations d'épuration d'eau potable à l'échelle locale là ou les concentrations en nitrates sont excédentaires, l'installation des stations d'épuration des eaux résiduaires. Pour ce qui est des techniques de dénitrification, notre laboratoire a développé un procédé innovant basé sur un couplage de procédés membranaires et traitement biologique où les nitrates à la fin du traitement sont éliminés à 100% et non déplacés comme dans les procédés techniques classiques. Aussi, nous sommes sur la voie de la mise au point de biopesticides à une échelle très avancée ce qui est très prometteur dans l'agriculture bio. N. R.