«La crainte de la guerre est encore pire que la guerre elle-même» (Sénèque, philosophe grec, 4 av. J.-C - 65 ap. J.-C). C'est devenu une habitude. A l'approche de chaque réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la question du nucléaire iranien, le ton monte entre Téhéran et les Occidentaux menés par les USA. A la veille de la réunion du Conseil de sécurité, de ce lundi, qui semble aller droit vers une troisième résolution qui renforcerait les sanctions contre l'Iran, les chancelleries occidentales multiplient les avertissements face auxquels Téhéran reste imperturbable. Le président Ahmadinejad a mis en garde dimanche «tout pays, qu'il soit européen ou non, qui prendra des sanctions contre l'Iran». Sous-entendu le projet de nouvelles sanctions déposé, jeudi, par la France et la Grande-Bretagne. La fermeté de Téhéran face à l'Occident n'est pas un défi gratuit ou une attitude inconsciente des mollahs, comme le laisse croire la propagande occidentale. L'Iran sait très bien où il va, et surtout n'ignore pas les vrais enjeux de la crise qui oppose l'Occident aux Russes, dans laquelle il joue un rôle stratégique pour les uns comme pour les autres: le contrôle des immenses ressources énergétiques de l'Asie centrale. Pour cela, il joue sur les rivalités entre Russes et Occidentaux pour aller au bout de son projet de maîtrise totale de l'industrie du nucléaire. Car, n'oublions pas l'épisode de la crise énergétique qui a opposé en décembre 2005 et janvier 2006 la Russie à l'Ukraine et ses conséquences sur l'Europe. Depuis, l'Europe a découvert sa vulnérabilité et sa dépendance énergétique (surtout le gaz). C'était, entre autres, l'effet recherché par la Russie de Vladimir Poutine. Au même moment, en janvier 2006, le géant de l'énergie russe Gazprom rachetait à hauteur de 45% le gazoduc Iran - Arménie. La boucle est bouclée. La Russie contrôle les principales routes de l'énergie vers l'Europe. Aussi, sentant le «piège russe», l'Europe n'a pas hésité dès 2005, de tenter un partenariat énergétique avec l'Iran. La Commission européenne, plus la Turquie, avaient proposé en juin 2005 à l'Iran un contrat de livraison de pétrole et surtout de gaz avec le projet du gazoduc Nabucco qui passe par la mer Caspienne, d'une longueur totale de plus de 3000 km, pour la livraison, dès 2015, d'environ 30 milliards de mètres cubes à l'Europe. A ce stade des luttes stratégiques entre l'Occident et la Russie, l'Iran ne cache plus ses ambitions nucléaires. Téhéran joue sur ces rivalités. Ahmadinejad sait que, malgré la concurrence russe sur le marché énergétique, il peut compter dans son affrontement diplomatique avec l'Occident sur Moscou. Il est curieux de constater que les deux «résolutions-sanctions» votées par le Conseil de sécurité et auxquelles ni la Russie, ni la Chine ne se sont opposées datent, pour la première de décembre 2006 et la seconde de mars 2007. Soit quelques mois après l'offensive russe sur le marché gazier de l'Asie centrale (Arménie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménie), et la crise de l'hiver 2005-2006 avec l'Ukraine. Par ailleurs, ce sont la Grande-Bretagne, allié traditionnel des USA et la France depuis l'arrivée de Sarkozy au pouvoir et son ralliement aux Américains, qui sont à l'origine de l'appel à une troisième résolution contre l'Iran. C'est montrer que c'est bien l'axe Washington-Londres-Paris qui met la pression sur l'Iran. Car, faut-il rappeler que l'Union européenne a, par l'intermédiaire de son Parlement, encouragé le dialogue avec l'Iran en ce début de février, et lui a reconnu son importance stratégique dans la région de l'Asie centrale et mineure. Cela traduit-il des intérêts divergents au sein de l'UE? Bien au courant des intérêts contradictoires entre, d'une part, certains pays européens et, d'autre part, entre les USA et d'autres pays d'Europe, Téhéran n'a pas à s'inquiéter outre mesure des menaces occidentales. Ahmadinejad l'a bien saisi. Il sait que dans une guerre contre son pays, nul n'est gagnant. Occidentaux comme Russes le savent aussi.