L'Algérie verra de plus en plus de cadres partir à l'étranger à la recherche d'une vie meilleure. La matière grise devient une «denrée» très convoitée. Or, en Algérie, comme dans tout pays où la stabilité économique ne repose pas sur des bases solides, la fine fleur part en masse vers d'autres horizons. «Le phénomène va s'accentuer dans les années à venir», a affirmé Sid-Ali Boukrami, directeur de l'Institut maghrébin des finances, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale. Un seul phénomène, deux appellations, fuite des cerveaux ou immigration sélective, deux faces d'une même pièce. Dans les pays en développement, le phénomène est considéré comme un fléau qui menace leur développement. Dans ceux industrialisés, par contre, ces élites importées sont une valeur ajoutée. Le monde est en phase transitoire d'une économie matérielle à une autre immatérielle. Dans la dernière, ce sont les idées qui comptent. Cette réalité ira en s'accentuant au cours des décennies à venir. Dans la balance de l'innovation, l'aiguille penchera chaque année un peu plus vers les pays industrialisés qui absorbent nos intelligences. Qu'en est-il des pays en développement? Ceux-là s'avancent vers la nouvelle économie avec des comptes qui se vident chaque jour un peu plus en matière de potentialités humaines. «On ne peut pas reprocher aux autres de défendre leurs intérêts, c'est à nous de défendre les nôtres», a répliqué le directeur de l'Institut maghrébin des finances quant à l'accusation des pays d'accueil de ne songer qu'à leurs propres intérêts. S'agissant de la lutte contre cette fuite, M.Boukrami a affirmé qu'il n'est pas possible de l'arrêter du jour au lendemain. «Il serait maladroit de croire qu'on peut influer sur les événements», a-t-il rétorqué. Ainsi, des solutions engendrant des résultats immédiats relèvent de l'utopie. A l'heure qu'il est, si la résolution d'empêcher les cerveaux de partir s'avère invraisemblable, la récupération de ceux déjà partis l'est encore d'avantage. Par ailleurs, il serait intéressant de penser à exploiter nos potentialités humaines établis à l'étranger par des partenariats et des collaborations dans divers domaines. M.Boukrami a même appelé à importer de la matière grise quitte à la payer très cher. «La matière grise, est durable, les biens matériels ne le sont pas», a-t-il spécifié. Selon lui, les responsables n'encouragent pas vraiment cette optique. Il a commenté que ceux là «jugent que l'importation des services n'est pas une bonne idée tandis qu'ils importent les pommes des régions extrêmes du monde». C'est vers un développement économique durable qu'il faudra se tourner si on veut stopper ce mal. Le système économique actuel se révèle dépassé pour pouvoir gérer notre matière grise. C'est un système fondé sur la rente. Dans pareil précepte, c'est le potentiel matériel qui est favorisé. «Il faut créer une économie qui ne soit pas fondée sur la rente, mais sur le risque», a expliqué M.Boukrami. Le pilier d'une telle économie (de risque), est l'aspect humain. L'économie de risque valorise donc le potentiel humain. Voir ce genre d'économie établie est sans doute susceptible de convaincre bon nombre de cadres qui verront leur compétence appréciée à sa juste valeur. D'autre part, Sid-Ali Boukrami a insisté sur l'importance de l'élaboration d'un système éducatif compétitif dans la prévention à long terme dudit phénomène. Un pareil système éducatif contribuera à la concrétisation du système économique fondé sur le risque. Quant à l'importance du secteur de l'éducation, ce même responsable assure que «aujourd'hui la concurrence se fait entre les systèmes éducatifs, c'est eux qui déterminent si vous êtes performant ou non». Notre système éducatif et économique semble complètement déphasé par rapport à ceux appliqués dans les pays développés. Le changement s'impose. L'adaptation aux nouvelles valeurs économiques et éducatives est une urgence. Ceci, non pas seulement pour convaincre les cerveaux de rester, mais plutôt pour donner un souffle au développement du pays.