Huit morts israéliens dans l'attentat commis jeudi contre une école talmudique à Jérusalem-Ouest «Choqués» pour les uns, «horrifiés» pour les autres! Les épithètes ne manquaient pas, hier, pour qualifier l'attentat commis, jeudi, par un jeune Palestinien contre une école talmudique dans la partie Ouest de Jérusalem. Ce geste de désespoir du jeune Palestinien, identifié comme étant Alaâ Hicham Abou Dheim, 25 ans, résidant dans la partie est de la Ville Sainte, condamnable en soi, s'explique néanmoins par les conditions qui sont celles aujourd'hui dans les territoires palestiniens occupés, qui sont devenus de vastes mouroirs à ciel ouvert. Un acte terroriste répréhensible de la part de ce Palestinien? Sans doute, surtout si l'on excipe des victimes civiles que cela a induit. Mais à qui la faute, quand Israël a fermé tout autre moyen d'expression aux Palestiniens pour faire valoir leur droit à l'existence et à édifier leur Etat indépendant? Tous les grands de ce monde qui se sont exprimés entre jeudi et hier, de M.Bush à Mme Merkel en passant par MM.Ban, Brown, Sarkozy, ont condamné vigoureusement l'attentat, ceux-là mêmes étrangement silencieux, lorsque durant cinq jours, l'armée israélienne a fait de la bande de Ghaza un véritable champ de tirs lors d'une répression collective qui a laissé plus de 125 morts sur le terrain dont la majorité était des civils, parmi lesquels de nombreuses femmes et enfants. Ni le président américain, ni la chancelière allemande, ni le secrétaire général de l'ONU, ni le Premier ministre britannique et encore moins le président français, n'ont condamné -à ce qu'on sache- les exactions d'Israël contre la bande de Ghaza et encore moins le blocus de ce territoire qui dure depuis deux mois y induisant une situation humanitaire catastrophique. Il est tout aussi irrecevable que l'ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'ONU, Zalmay Khalilzad, trouve «inacceptable» de faire un lien entre les raids israéliens contre la bande de Ghaza et l'attentat de jeudi, déclarant: «Nous pensons que la question du terrorisme est une question à part et ce qui s'est passé aujourd'hui est clairement un attentat terroriste.» L'ambassadeur américain commentait l'exigence faite par la Libye, membre non-permanent du Conseil de sécurité, de lier l'attentat de Jérusalem à la situation prévalant à Ghaza et, d'une manière générale, au dossier israélo-palestinien. Le représentant adjoint de la Libye, Ibrahim Al-Dabbashi, a affirmé avoir insisté pour «un texte équilibré condamnant les meurtres à Ghaza en même temps que les meurtres à Jérusalem». Mais les seuls «meurtres» que l'Occident comptabilise et veut comptabiliser comme tels, ce sont ceux des Palestiniens, jamais ceux commis par Israël dans les territoires palestiniens occupés. Et puis, peut-on, comme le fait M.Khalilzad, fractionner, selon les cas, les opérations des uns et des autres, qualifier les uns, faire l'impasse sur les autres? Selon cette vision manichéenne des choses, tout ce qu'entreprend Israël, y compris punir collectivement un peuple, est correct, tout ce que font ses vis-à-vis palestiniens est, par principe, condamnable. Cela ne peut, à l'évidence, fonctionner ainsi. M.Khalilzad aurait dû mener sa réflexion un peu plus loin et englober l'ensemble de la problématique proche-orientale induite par l'occupation israélienne, laquelle a conduit à une résistance qu'Israël et l'Occident qualifient un peu trop facilement de terrorisme, d'autant plus que l'action du jeune Palestinien est la résultante directe de ce qui s'est passé à Ghaza, la semaine dernière. M.Khalilzad a encore dit: «Il y a une différence entre le meurtre d'étudiants en religion et les pertes civiles qui se produisent lors d'opérations militaires dont l'intention première n'est pas de tuer des civils». Tiens donc! Il faut croire que l'ambassadeur américain auprès de l'ONU estime que les près de 80 victimes civiles palestiniennes des attaques israéliennes n'ont pas la même valeur que les huit victimes israéliennes. Dès lors, il est curieux de savoir comment les Etats-Unis qualifient la situation humanitaire dans la bande de Ghaza suite à deux mois d'un blocus à tout le moins barbare qui fait peu cas de la vie des Palestiniens? Beaucoup de réactions en Europe et aux Etats-Unis s'inquiètent, par ailleurs, du devenir du processus de paix. Inquiétudes que résumait hier le chef de la diplomatie, David Milibrand, qui déclarait que l'attentat de Jérusalem est «une flèche» visant «le coeur du processus de paix qui avait été ranimé si récemment». On n'a pas entendu le Foreign Office s'alarmer de la même manière sur les risques que courait le processus de paix lors de la furie furieuse déclenchée par Israël contre la bande de Ghaza. Aussi, tant que l'Occident continue d'appliquer le deux poids, deux mesures, dès lors qu'il s'agit d'Israël ou des Palestiniens, le processus de paix ne risque pas d'aller plus loin et restera ce projet dont se gargarise la communauté internationale depuis une décennie.