Que vise l'action des terroristes? Créer une psychose à l'intérieur même de la citadelle-Alger? Assurément. Et tout criminologue averti vous dira qu'il suffit de chercher le mobile pour remonter jusqu'au criminel. En l'espace de trois jours, d'insistantes rumeurs ont circulé concernant l'explosion ou la découverte de bombes un peu partout dans la capitale. Hier, dans la matinée, une alerte à la bombe a créé un mouvement de panique dans l'enceinte de l'aéroport. Il s'est avéré par la suite qu'il s'agissait d'une fausse alerte. Dans la même journée, circulaient à Alger des rumeurs sur des attentats à la rue Hamani, ex-Charras, à la place des Martyrs et au quartier Jolie-Vue Kouba où justement une bombe a été désamorcée au centre commercial de Garidi. Aux Pins Maritimes, une panique est survenue lorsqu'un citoyen a découvert deux grenades datant de la période coloniale alors qu'il entamait des travaux de réfection chez lui. Alertée, la brigade de déminage est intervenue rapidement et a fait exploser les deux engins. Ce phénomène de rumeurs est la suite tout à fait logique du début de la campagne d'attentats à l'explosif qui ciblait des civils dans des endroits publics, tout particulièrement dans les marchés. Une baisse de la vigilance traduite par le non-respect des consignes de sécurité dans ces endroits et dans les transports publics a affaibli le dispositif sécuritaire d'Alger. A noter que sur ce dernier point, nous avons remarqué que les transporteurs de la Place des Martyrs ont commencé à s'astreindre à la fouille, bien que sommaire, des passagers à leur montée. Par cette paranoïa, qui commence à s'installer dans la capitale, les auteurs de ces attentats ont atteint l'un de leurs objectifs: créer une onde de choc psychologique qui frappe la quiétude même d'une ville qu'on croyait expurgée du danger terroriste. Nous avons déjà évoqué les différentes pistes qui semblent encore à l'état de simples conjectures. Seules les enquêtes des services de sécurité sont à même d'identifier et de remonter la piste qui devra les mener à l'anéantissement de cette nouvelle cellule terroriste. Des informations formulées au conditionnel le plus prudent ont fait état de l'identification de ce groupe par les services de sécurité. Il s'agirait, ainsi, d'un réseau spécialisé dans la fabrication et les attaques à l'explosif. Mais à l'heure actuelle, aucune confirmation de ces informations n'est tombée. Et même si cela se confirmait, on comprendrait aisément le devoir de réserve des services concernés, inhérent aux nécessités de l'enquête en cours. Mais que savons-nous déjà sur ce réseau qui a pour objectif de terroriser Alger? A travers les maigres indications dont nous disposons, il est possible de tirer quelques remarques. Primo, la nature même des charges explosives, de faible intensité et ne comportant pas les éclats de métaux habituellement usités dans ce genre d'attentats. Ce qui laisse à penser que les auteurs de ces actes disposent d'un même et seul atelier. Les charges faibles dénotent le manque d'approvisionnement en matière explosive. Les cibles choisies, les marchés de grande affluence, vont dans la même logique: faire le maximum de victimes avec un minimum de matériau. Aucun vol de ce genre de matériaux n'a été signalé ces derniers mois. On se souviendra du vol de dynamite au niveau de la commune de Meftah qui avait préludé la campagne d'attentats à la bombe dans la capitale au milieu des années 90. Secundo, la localisation des points d'impact des derniers attentats ainsi que, fait assez troublant, le rythme rapide de la succession des frappes dans une zone qui s'étend de la Basse Casbah à Kouba, indiquent que les auteurs de ces opérations bénéficient d'une grande capacité de mobilité à l'intérieur même de cette forteresse qu'est Alger. L'autre indication qui découle de ce constat, est que leur point de repli, et très probablement leur atelier, se trouvent à Alger, et non dans sa périphérie immédiate comme l'ont souligné plusieurs observateurs de la scène sécuritaire. Dans cette perspective où la peur, qui a étendu ses ailes macabres au-dessus d'Alger, est conjuguée au flou régnant quant à la nature et à l'identité des terroristes, il est urgent de revenir à une plus grande vigilance. Face à un ennemi tapi dans l'ombre, il n'y a pas meilleure arme que la mobilisation.