Dès 80, toutes les projections de films ou de documentaires ont été interdites.. Contrairement à la littérature, à la musique et à la poésie, le cinéma d'expression amazighe a toujours été éloigné du champ médiatique et culturel. Considérant l'image comme un vecteur d'expression identitaire, le pouvoir a toujours refusé de donner un espace aux différents réalisateurs et cinéastes. L'expression imagée berbère est d'ailleurs née en semi-clandestinité dans le mouvement du cinéma amateur. Dès 1979, et lors du premier festival du cinéma amateur à Tizi Ouzou, des jeunes et moins jeunes se sont affirmés, en présentant des oeuvres filmées en super 8 sur la Kabylie et ses traditions séculaires. Certains ont même fait des films sur la révolution en langue amazighe. A l'époque, ces films diffusés dans les lycées et les centres culturels, avec des projecteurs Bauer, vendus dans les aswak du pays, étaient tolérés, puisqu'ils ne s'attaquaient pas directement au système. Mais, dès 80 et l'éclatement du Printemps berbère, toutes les projections de films ou de documentaires ont été interdites. Passé ce moment de contestation, le mouvement des cinéastes d'expression amazighe s'est essoufflé et certains réalisateurs résignés ont fini par mettre en scène leur oeuvre en arabe dialectal. Et pourtant, le pouvoir allait faire une exception pour le film d'Ahmed Rachedi L'opium et le bâton, d'après une oeuvre de Mouloud Mammeri, en permettant aux habitants de Tala, de s'exprimer en kabyle et ce, à l'occasion de l'anniversaire du déclenchement de la Révolution. Mais certains cercles du pouvoir se sont opposés à cette diffusion et le film a été finalement diffusé entièrement en arabe. Il fallait attendre les années 90 et la naissance du mouvement démocrate dans le pays pour découvrir les premiers longs métrages en tamazight. Trois cinéastes, au parcours cinématographique exemplaire, vont tenter l'aventure du cinéma amazigh. Abderahmane Bouguermouh avec La Colline oubliée, Belkacem Hadjadj avec Machaho et enfin Azzedine Meddour avec La montagne de Baya. Trois oeuvres tirées de la culture berbère et surtout qui luttent pour la reconnaissance de l'identité amazighe. Tout au long de la préparation de ces trois longs métrages, ces cinéastes ont fait face à d'énormes difficultés financières, administratives et matérielles et, dans certains cas, la mort était là pour faire échec à l'entreprise. C'est le cas du film d'Azzedine Meddour, La Montagne de Baya, dont le tournage a causé la mort de 14 techniciens du film lors d'une mauvaise manoeuvre d'explosifs dans un appartement à Bouzguène. Quelques jours après la sortie du film, le cinéaste Azzedine Meddour s'éteindra emporté par la maladie, en nous laissant un testament cinématographique extraordinaire Adrar n'Baya. Une actrice anonyme qui joue le rôle de Na Aldjia n'a pas supporté cette perte et s'éteindra, à son tour, un jour après la mort du cinéaste. Belkacem Hadjadj, qui réalise Machaho d'après les contes populaires du Djurdjura, a failli perdre la vie à son tour quand il tomba nez à nez dans un faux barrage dressé par les hommes de Hassan Hattab. Plus de peur que de mal, mais la mésaventure contraint plusieurs comédiens et techniciens à quitter le film et le réalisateur n'a pu le terminer que grâce à la protection des parachutistes de Biskra. Depuis la sortie de ces films dans les grandes salles, un engouement particulier a gagné les Kabyles, qui se sont mis à faire des films en tamazight en vidéo. Mais, en raison du manque d'espaces de diffusion et d'exploitation, ces films, souvent tournés en amateur, se retrouvent sur les étals de vidéo clubs de Tizi Ouzou et Béjaïa. La caméra est devenue la nouvelle arme des Kabyles dans leur marche de contestation et à l'occasion de la célébration du premier anniversaire du printemps noir, l'ancien chanteur des Abranis, Shamy présente un documentaire de 52 minutes intitulé Messages Kabyles Ur netruz, Ur nkennu, l'actualité vidéo ayant pris le pas sur la création cinématographique et les Kabyles sont montés de la colline à la montagne.