D'énormes quantités d'eau doivent être mises à la disposition de la communauté. La nécessité de dessaler l'eau de mer est devenue, dès lors, une nécessité. L'Algérie peine, depuis des années, à satisfaire une demande en eau, toujours croissante. Comparé à la réalité du terrain, le problème de la disponibilité des eaux est inversement proportionnel à la déperdition, en raison de défaillances systémiques ou de mauvaise gouvernance. Du fait de la forte demande, l'Algérie s'est vu contrainte de se tourner vers le dessalement. Dans un contexte plus global, et selon les estimations, la demande totale en eau dans la région méditerranéenne, qui était de 300 milliards de mètres cubes par an en 1990, augmentera de 32% d'ici 2010 et de 55% d'ici 2025, pour atteindre plus de 460 milliards de mètres cubes(*). D'énormes quantités d'eau qu'il va falloir mettre à la disposition de la communauté. L'une des caractéristiques de l'évolution de la demande en eau est qu'elle se produit surtout sur une étroite bande du littoral où près de la moitié de la population vit, et cette proportion peut atteindre les trois quarts d'ici à 2020, selon les pronostics des scientifiques. Suite à une démographie galopante, la nécessité de dessaler l'eau de mer, qui représente une ressource abondante et facilement accessible, se fait de plus en plus pressante. L'Algérie, avec ses 1200km de littoral, vient d'annoncer la création d'une dizaine de stations de dessalement de l'eau de mer tout au long de la bande côtière. Dans un contexte caractérisé par la disponibilité des énergies fossiles à bas prix, l'engouement pour ce procédé de potabilisation des eaux salées, risque, en effet, de produire l'effet boule de neige et empêcher ainsi de penser la problématique de l'eau dans une perspective plus durable et non tributaire des énergies épuisables. Par ailleurs, le recours au dessalement n'est pas sans risque sur l'environnement côtier relativement sensible aux problèmes de pollution. L'impact sur l'écosystème marin de l'aspiration des eaux salées contenant des micro-organismes à la base de la chaîne alimentaire, risque de perturber la chaîne trophique des espèces vivant sur le plateau continental tout près des côtes. L'une des sensibilités topographiques des côtes algériennes est qu'elles présentent un plateau continental très étroit, ce qui peut accélérer le processus de la réduction du potentiel de la biodiversité. Comble du désastre, selon un rapport de l'AEE (Agence européenne pour l'environnement): sur les 250-300km de plages de sable que possède l'Algérie, 85% sont en recul, perdant ainsi du sable à raison de 0,30 à 10,4 m/an. Les rejets de la saumure (effluent très concentré en sels, séparé des eaux potabilisées) chaude qui présente souvent une concentration de 1,2 à 3 fois plus élevée que l'eau de mer, provoque une diminution de l'oxygène dissous dans l'eau, et la perturbation des sables due aux activités d'excavation augmente la turbidité des eaux et une limitation de la photosynthèse par suite de non-diffusion de la lumière du soleil. N'oublions pas aussi que les usines de dessalement consomment beaucoup d'énergie et par conséquent émettent des gaz à effet de serre. Sur un autre plan, le Fonds mondial pour la nature (WWF) qui est une ONG, rappelle la nécessité d'une utilisation raisonnée du dessalement de l'eau de mer après étude de faisabilité faisant ressortir cette alternative comme solution inévitable. Alors même que la nécessité pousse à réfléchir sur les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire la demande toujours accrue en eau, il faut envisager prioritairement, à notre avis, les sources d'eau durables déjà existantes: les fleuves, les plaines inondables, les marécages, les zones humides, les résurgences, etc. Le professeur Remini, se basant sur l'étude des séries statistiques comportant les données de 57 grands barrages, estime que l'Algérie «perd par envasement entre 45 à 50 millions de mètres cubes de capacité chaque année» et d'ajouter: «A quoi ça sert de potabiliser de l'eau à coût d'énergie et de réactifs pour perdre ensuite environ 60% de volume d'eau potable dans des réseaux d'alimentation manquant affreusement d'étanchéité?». La mission de la gestion des bassins versants, qui vient d'être léguée aux étrangers, doit aussi faire l'objet d'une grande attention de la part des autorités: la disparition du couvert végétal, l'accentuation des phénomènes de l'érosion, et l'augmentation de l'évaporation provoquent d'importantes diminutions des ressources d'eau dans le pays. Des plans d'eau ont complètement disparu sous les effets des pressions anthropiques. «Pensons tout d'abord à préserver ces eaux douces qui sont d'ailleurs de bonne qualité, avant de réfléchir au dessalement, qui, parfois, est certes, inévitable», rétorque notre interlocuteur. Un autre créneau porteur en matière d'économie des eaux douces est celui du recyclage des eaux usées. L'exemple frappant à cet effet est la ville de Dubaï (Emirats arabes unis), qui entretient en verdure permanente des centaines d'espaces verts irrigués rien qu'à l'eau usée recyclée. Cette option, de l'avis de Farouk Benouared, consultant international en matière d'aménagement des espaces verts et travaillant sur plusieurs projets à Dubaï, une fois généralisée à grande échelle -avec les précautions nécessaires- entraînerait certes, de meilleurs résultats économiques et environnementaux.: «Les retombées positives sont dans le court terme», affirme-t-il lors d'une journée d'étude organisée par l'association Chlorophylle à Blida. En l'état actuel des techniques, le dessalement se présente comme une solution relativement coûteuse, ce qui laisse peu de chance à ce que cette industrie, en pleine croissance dans les zones du littoral, à populations relativement aisées, prête beaucoup d'attention aux besoins en eau des populations de l'arrière pays, situées elles en pleines zones arides. Au pays de la soif, la mer est à mille lieues plus au nord!. (*) Margat. J.Vallee in: Mediterranean vision on Water, population and the environment for 21st century