Le calme était revenu hier à Lhassa, capitale du Tibet, après les violentes manifestations de vendredi qui se sont soldées par des morts. Plusieurs pays appelaient hier à la retenue, après les émeutes de vendredi à Lhassa qui ont causé 10 morts, selon les chiffres officiels, à plus de 100, d'après les affirmations de l'opposition tibétaine. Toutefois, le nombre de victimes, quelle qu'en soit l'importance, met surtout en exergue un dossier en suspens depuis un demi-siècle. Hier, il a été fait état de nouvelles manifestations qu'aucune information n'est venue confirmer. De fait, le retour en première ligne de la question tibétaine en cette période olympique met quelque peu la pression sur la Chine bien décidée à faire du rendez-vous de Pékin (du 8 au 23 août) un succès et une image de marque du dynamisme économique dont fait montre le géant asiatique depuis deux décennies. Les manifestations avaient commencé le 10 mars, célébrant le 49e anniversaire de l'exil du Dalaï-Lama. Celui-ci séjourne dans la ville de Dharamsala en Inde. Commencées pacifiquement, ces manifestations se sont transformées en émeutes après les interventions musclées des forces de l'ordre, rapportent des témoins. Ces violences sont les plus sanglantes depuis celles de Lhassa, capitale du Tibet, en 1989. Hier, l'agence Chine Nouvelle a fait état de 10 morts et plusieurs blessés alors que des sources proches du gouvernement tibétain, en exil, estimaient à au moins 100 le nombre des victimes. «Nous avons des informations non confirmées faisant état d'une centaine de morts et de l'instauration de la loi martiale à Lhassa», a indiqué, dans un communiqué, le gouvernement tibétain en exil dans le nord de l'Inde. Le gouvernement s'est déclaré «hautement préoccupé» par des informations «émanant des trois régions du Tibet et faisant état de personnes tuées au hasard, de blessés et d'arrestations de milliers de Tibétains qui manifestaient pacifiquement contre la politique chinoise». La proximité des Jeux olympiques, dont Pékin veut en faire une vitrine de sa puissance retrouvée, peut avoir joué un rôle dans le retour au premier plan du dossier tibétain, certes demi-centenaire. Notons que la réélection triomphale, vendredi, de Hu Jintao à la tête de l'Etat à été quelque peu troublée par les événements de Lhassa, d'autant qu'il y a vingt ans, M.Hu était le président de la région du Tibet. Un Tibet dont la question nodale demeure celle de son statut, alors que les négociations, entre les autorités de Pékin et les représentants du Dalaï-Lama, interrompues en 2005, sont au point mort. Le 10 mars, un demi-millier de moines du monastère de Drepung qui avaient organisé une marche sur Lhassa ont été rejoints par les moines des monastères de Sera et Ganden, indiquaient les agences de presse. Les religieux se heurtèrent par la suite aux forces de sécurité. Pacifique au départ, la marche prenait alors une autre tournure en faisant des victimes, au moins dix morts selon le chiffre officiel donné hier par Chine Nouvelle. D'aucuns n'ont manqué de faire le rapprochement avec la révolte des moines birmans en septembre dernier quand la communauté des religieux bouddhistes s'est révoltée contre le pouvoir des généraux du Myanmar. Selon une ONG installée à Washington, Campaign for Tibet, les trois monastères impliqués dans les événements de vendredi auraient été fermés. Présent à Pékin à la réunion de l'Assemblée nationale populaire (ANP, Parlement) pour l'élection du président de l'Etat, le chef de la région du Tibet, Qiang Ba, un Tibétain, a dénoncé «un complot de la clique du Dalaï-Lama», leader spirituel des bouddhistes tibétains, en exil, en Inde depuis 1959. «Nous condamnons fermement ce genre de méthodes, ces saccages, incendies et violences, c'est évident qu'il s'agit d'un complot de la clique séparatiste du Dalaï-Lama», a-t-il dit, alors que la presse et les médias le pressaient de questions. De son côté, le gouvernement tibétain, en exil, a appelé hier à une enquête de l'ONU sur les violences meurtrières au Tibet, qui constituent, selon lui, des «violations des droits de l'Homme». Hier, avec à leur tête l'acteur bouddhiste américain, Richard Gère, de nombreux titres de la presse occidentale, saisissant au bond cet événement, appelaient au boycott des Jeux olympiques de Pékin. Il est patent que la question du Tibet n'aurait pu tomber plus mal pour le gouvernement chinois qui doit gérer avec doigté un dossier que la proximité des J.O. rend explosif.