Il fera date et déliera peut-être bien des langues. Après une bataille judiciaire qui aura duré six longues années, un membre du barreau d'Alger sera déféré demain devant le tribunal pour répondre d'accusation d'abus de confiance et de vol. A l'origine de cette affaire qui a toutes les chances de faire date dans l'histoire de la justice algérienne, une plainte déposée par un entrepreneur en 1996. Le juge d'instruction, saisi de l'affaire, a décidé le renvoi de la plainte devant la juridiction de jugement par ordonnance. La première réaction de l'avocate-accusée a été de contester la décision du juge en introduisant un appel devant la Chambre d'accusation. Cette dernière a estimé irrecevable la démarche de l'inculpé en date du 4 juin 96. La bataille judiciaire ne faisait en fait que commencer, puisque un pourvoi en cassation est venu relancer l'affaire. Cependant, la Cour suprême rejette, moins de deux mois plus tard, la demande de l'avocat. Moins d'une année après la fin de non-recevoir décidée par la Cour suprême, l'affaire est déférée au tribunal d'Alger pour audience, un certain 6 avril 97. L'avocat a demandé au tribunal de surseoir au jugement de l'affaire au motif que la Cour suprême n'avait pas tranché la question. Ignorant l'arrêt rendu par l'instance suprême de l'institution judiciaire et donc induit en erreur, le tribunal d'Alger a ordonné le sursis à statuer par jugement. Un coup d'arrêt qui a, de fait, gelé la procédure de longues années. Mais le pot aux roses a fini par être découvert et l'affaire retourne au tribunal d'Alger pour connaître, en principe, un début de dénouement effectif après épuisement des procédures engagées par l'inculpé. Ce dernier gagne tout de même du temps en demandant, comme la loi l'y autorise, le renvoi de l'affaire à une date ultérieure. De renvoi en renvoi, le dossier connaîtra demain un début de règlement, puisque le tribunal aura à décider de la relaxe ou de la condamnation d'un membre du barreau accusé de vol et d'abus de confiance, ce qui, en soi, constitue une première dans les annales de l'institution judiciaire algérienne. Il est important de souligner, en effet, que le corps d'avocat, concerné par la réforme de la Justice, n'a pas eu à voir l'un de ses représentants devant la barre en tant qu'accusé. Il ne s'agit en fait pas de se réjouir d'une pareille situation, mais de constater qu'il existe en Algérie, comme partout ailleurs dans le monde, des Robes noires qui usent de leur statut pour se soustraire à la justice. C'est en cela et quelle que soit son issue, le procès fera date et déliera peut être bien des langues.