Au moment où les regards sont braqués sur l'évangélisation, le mouvement salafiste occupe de plus en plus de terrain dans l'espace religieux en Algérie. Qui du soldat de l'ANP traquant les terroristes dans les monts de Sidi Ali Bounab ou du théoricien de l'Islamisme en conclave dans les salons de l'Aurassi apportera-t-il une clé au problème du terrorisme en Algérie? Les deux réunis, diront certains. Ni l'un ni l'autre, répliqueront les tenants de l'algéro-pessimisme. Cependant, un séminaire s'ouvre à partir d'aujourd'hui, et sera organisé par le Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme (Caert) sous le thème «Contreterrorisme en Afrique du Nord». Il se propose de traiter «les menaces et les vulnérabilités» ainsi que les «réponses adéquates» à opposer à ce fléau dans la région d'Afrique du Nord. Ce n'est pas la première rencontre qu'organise l'Algérie depuis que ce fléau s'est ouvertement exprimé après l'arrêt du processus électoral en 1992. Les séminaires et les colloques étaient nombreux mais rarement la question du terrorisme n'a été abordée sous son angle éminemment politique. A ce sujet les spécialistes n'ont pas tari d'études et d'analyses pour remonter aux racines de ce mal. Un mal qui n'est pas spontané mais selon les analystes, trouve son explication dans le contexte historique et du rapport de l'Etat algérien à l'islamisme depuis l'Indépendance. Mais avant d'aborder cet aspect du problème remarquons ceci: au moment où les regards sont subitement braqués sur l'évangélisation, le mouvement salafiste occupe de plus en plus de terrain dans l'espace religieux en Algérie. Et on sait ce qu'a coûté ce mouvement à l'Algérie en termes de pertes humaines et financières. C'est dire que la lutte antiterroriste sur le terrain et la théorisation du phénomène par les spécialistes seront toujours inopérantes tant que la volonté politique de l'Etat ne s'exprime pas de façon claire et directe. Le danger n'est réellement pas le terroriste à traquer dans les maquis. C'est l'Etat qui ne maîtrise pas le champ religieux institutionnellement. C'est-à-dire dans les mosquées et les écoles, où l'enseignement religieux est assuré jusqu'au niveau secondaire. Depuis l'Indépendance, les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays ont eu un rapport ambigu face à l'islamisme. Les concessions faites aux islamistes ont commencé aux premières années de l'Indépendance. L'article 4 de la première Constitution du pays (1963) consacre l'Islam religion d'Etat. En 1966, un Conseil islamique supérieur a été créé et en 1973 une ordonnance relative au Code civil, réintroduit le recours au droit musulman qui allait être reconnu progressivement comme source de droit auquel les magistrats peuvent faire appel. Toujours dans le chapitre des concessions, le Parlement algérien, sous l'ère du parti unique, adopte en 1984 l'un des textes les plus ambigus de la République: le Code de la famille. Cette série de réformes s'est traduite également par une réforme générale de l'enseignement public en 1977 comprenant un nombre croissant d'éléments religieux. Une analyse des manuels d'histoire utilisés dans les lycées indique qu'en 1992, l'espace consacré au Moyen-Orient était trois fois plus important que celui consacré à l'Algérie. Les différents pouvoirs algériens ont tous composé avec l'islamisme par calcul politicien pour le domestiquer. Rien n'y fut et c'est l'exact contraire qui s'est produit. A force de jouer avec le feu, on a failli brûler la République. Si dans l'expression militaire, l'islamisme est difficilement vaincu, l'islamisme dans son expression idéologique n'est pas encore dépassé. Son dépassement implique une volonté politique et institutionnelle sans ambiguïté. N'est-ce pas que l'occasion s'y prête parfaitement bien, à la veille de la révision constitutionnelle?