Appel à l'adhésion à l'Otan de ce qui reste des anciens pays alliés ou ayant fait partie de l'ex-URSS, installation du bouclier antimissile américain, retour de la France dans l'état-major de l'Otan. La Russie proteste... pour l'instant. La sécurité et la paix internationales sont-elles, fatalement, tributaires de la dissuasion nucléaire et de la peur? Songez, il y a moins de 20 ans, le Palais du peuple (présidence) de la Roumanie était le bureau et le domicile d'un certain Nicolaï Ceausescu, dictateur communiste, vassal de Moscou. Ce palais a accueilli, de mercredi soir à hier matin, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Otan. Et c'est de la capitale roumaine qu'a été annoncée la prochaine «adhésion» à l'Organisation transatlantique nord, de deux autres pays anciennement satellites de Moscou, l'Albanie et la Croatie. Ceci pour le symbole. Il y a de quoi rendre nerveux Moscou, d'autant plus que le report de l'entrée à l'Otan de l'Ukraine et de la Géorgie (pays natal de Staline) n'est que momentané. Les USA, patron de l'Otan, ne cachent plus leur volonté de «mondialiser» l'Organisation militaire jusqu'aux portes de la Russie. Le moins que pouvait faire Moscou, était de manifester sa colère. «L'entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'Otan serait une erreur stratégique aux conséquences sérieuses pour la sécurité en Europe», a déclaré, jeudi, Alexandre Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères. Le président ukrainien, Victor Iouchtchenko, lui, a renchéri en estimant que le report à la fin de cette année du feu vert de l'Otan pour engager les procédures de l'adhésion de son pays à l'Organisation «est une victoire». Le ton est donné, et la réunion traditionnelle Otan-Russie, dans le cadre de leur partenariat qui suit les Sommets, n'y changera rien. La guerre froide enterrée avec la chute du mur de Berlin est bien ressuscitée. La Russie a beau insister sur la fragilité de la paix en Géorgie eu égard aux velléités séparatistes en Abkhazie et en Ossétie du sud (pro russe) ou encore l'absence de consensus politique en Ukraine pour une adhésion à l'Alliance, rien n'y fait. Les Occidentaux ne changent pas d'un iota leurs plans et objectifs. Parallèlement au processus d'élargissement de l'Otan et à l'encerclement géostratégique de la Russie, les alliés occidentaux ont confirmé dans la déclaration finale leur soutien au projet américain d'installation du bouclier antimissile en Tchéquie et en Pologne: «Nous reconnaissons donc la contribution substantielle que le projet d'implantation en Europe de moyens de défense antimissile des Etats-Unis apporte à la protection des alliés contre les missiles balistiques à longue portée...Nous chargeons le Conseil en session permanente de définir des options pour une architecture globale de défense antimissile visant à étendre la couverture au territoire et à la population de tous les pays de l'Alliance non couverts par le système des Usa» (Point 37 du communiqué final). La veille, George W. Bush avait signé l'accord avec son homologue tchèque pour installer les radars antimissile américains. L'autre succès des Américains lors de ce Sommet, tient à l'appui et au renforcement des effectifs de l'Otan engagés en Afghanistan et le prolongement du soutien à l'Irak de Nouri al-Maliki. Sur cette question, le communiqué final «avertit» au point 6: «La sécurité euro-atlantique et, plus largement, la sécurité internationale sont étroitement liées à l'avenir de l'Afghanistan, qui doit être un Etat pacifique, démocratique, respectueux des droits de l'homme et libéré de la menace du terrorisme.» Du coup, les partenaires de l'Alliance se sont engagés à fournir les effectifs nécessaires. La France, par la voix de Nicolas Sarkozy, s'est dit prête à envoyer 700 hommes de plus en Afghanistan. Mais pas que cela. Le président Sarkozy a annoncé le retour de la France dans les structures de Commandement intégré, notamment au Shape, l'état-major de l'Otan, qu'elle avait quitté en 1966. Appuyé par l'Allemagne et compris par l'Angleterre, Nicolas Sarkozy vise, au-delà du retour de la France dans l'état-major de l'Alliance, à décrocher quelques postes dans les commandements régionaux de l'Otan pour les Européens, postes détenus à ce jour par les seuls généraux et amiraux américains. Pour le reste, le Sommet de Bucarest a rappelé la volonté de l'Otan de continuer et d'intensifier son dialogue avec les pays du Sud Méditerranée. «Nous prenons note avec satisfaction des progrès importants accomplis dans le cadre du Dialogue méditerranéen depuis les Sommets d'Istanbul et de Riga. Les consultations politiques avec nos partenaires du Dialogue méditerranéen ont gagné à la fois en fréquence et en substance», est-il déclaré dans le point 33 du communiqué final. Ainsi, le Sommet de Bucarest remet à l'ordre du jour la compétition russo-occidentale dans la gestion des affaires du monde à partir d'un lieu hautement symbolique: le Palais de l'ancien dictateur Ceausescu, fusillé durant les fêtes de Noël 1989.