Samedi, jour de marché hebdomadaire. La ville grouille de monde. Jadis, capitale de la contestation, Amizour est aujourd'hui celle du théâtre. Quelques kilomètres après la sortie de Tala Hamza sur la route nationale 75, Amizour vous accueille avec ses étendues verdoyantes. C'est le début du printemps. La verdure est partout. Elle vous émerveille. Les ralentisseurs dressés sur la route vous rappellent, cependant, à la réalité, celle de toutes les routes algériennes. Le mouvement se résume à de brusques secousses. De part et d'autre de la voie, s'étendent encore des vergers, quoique mal entretenus. Ils dégagent des senteurs agréables imprégnant l'air sur plusieurs centaines de mètres à la ronde. Tout autour de la ville, s'étendent des champs que traversent les routes menant vers El Kseur, Barbacha, Béjaïa et Timezrith. Certes, la vocation agricole de la localité se confirme, mais tout au long du chemin, la mercuriale annonce des prix élevés. Un exploitant agricole, affirme: «A Amizour, les terres sont très fertiles. Auparavant, nous produisions beaucoup d'orange par an. Présentement, nous en produisons peu. Ce qui explique les prix». Au détour d'un virage, le mouvement ralentit encore. Carrefour oblige. C'est l'entrée de la ville. Une autre senteur emplit l'air, celle du carburant de la pompe à essence sur la gauche qui s'ajoute aux odeurs de gaz carbonique dégagées par les tuyaux d'échappement des véhicules. En effet, des camions et voitures font ronronner leur moteur. La circulation se complique, puis on atteint le centre d'Amizour qui offre encore l'aspect d'un village colonial. On comprend mieux alors le bouchon qui s'est formé. En ce samedi, le marché hebdomadaire s'y tient. La ville grouille de monde. Des maisons vétustes et des stands de commerçants côtoient sur les deux rives d'un oued, qui porte le même nom que la ville, de somptueuses résidences. Un pont relie les deux parties de la cité. De l'autre rive, c'est un tout autre mouvement. Un autre carrefour décoré d'une banderole annonçant l'ouverture le jour même de la 2ème édition du Festival du théâtre. Des jeunes s'affairent devant le Centre culturel Malek-Bouguermouh en face du siège communal, une sorte d'ancienne bâtisse à deux niveaux. Dans un passé récent, ces mêmes jeunes préparaient des banderoles pour les manifestations de célébration du double anniversaire du Printemps noir. Pour cette année, la revendication demeure présente mais sous une forme d'expression théâtrale. Jadis, capitale de la contestation, Amizour est aujourd'hui celle du théâtre. 17 troupes y préparent activement le défilé d'ouverture du festival devant avoir lieu dans l'après-midi. Dans son bureau, Salem Mammeri, maire de la commune, s'affaire aux préparatifs du festival. C'est sous son haut patronage que la Ligue communale des activités de jeunes organise la manifestation. L'APC y prend grandement part. Entre deux coups de fil et de courtes entrevues, il présente sa commune. Elu à deux reprises sur la liste «fidélité», M.Mammeri est aujourd'hui maire pour cinq ans. Outre les projets entrant dans le cadre du Ppdri visant à améliorer les conditions de vie des citoyens, notre interlocuteur est préoccupé par les deux zones d'activité de la commune. Autant la ZAC (zone d'activité commerciale) a été relancée autant la ZAE (zone d'activité économique) demeure bloquée. «A l'exception de deux opérateurs qui activent présentement, les onze autres investisseurs sont bloqués. Ils ne possèdent pas d'acte de propriété nécessaire pour exploiter leurs activités» regrette-t-il avant de rassurer: «Nous avons préparé tout un dossier pour la régularisation de tous les occupants de la zone». Il s'agit, ajoute-t-il «d'éliminer les contraintes liées notamment aux permis de lotir et aux superficies qui doivent être corrigées par l'agence foncière et les domaines». Concernant la ZAC, «les 47 commerçants qui ont acquis des parcelles de terrain ne sont pas encore régularisés», conclut-il sur ce chapitre. L'équipe aux commandes locales espère réunir toutes les conditions pour un redémarrage économique rapide, citant au passage le gisement du zinc, 5ème au rang mondial, qui est au stade d'exploration, un travail de confirmation des résultats de l'étude et d'évaluation des commodités pour le lancement de l'exploitation. Ce projet devrait susciter beaucoup d'espoir chez la jeunesse locale. A vocation agricole, la commune d'Amizour aspire à une industrialisation par l'implantation d'usines de transformation de produits agricoles. Dans ce sens une demande de création d'une unité de granulés (les engrais) a été reçue par la commune. Des unités similaires sont possibles dans cette région. Elles contribueront à la sédentarisation des populations. Parallèlement, une demande a été faite pour la construction d'un campus universitaire. Un étude de canalisation de l'oued Amizour a été faite. A travers cette étude, les élus comptent récupérer des espaces et embellir la ville. Il reste l'inscription dans le cadre du budget sectoriel. Amizour, qui s'étend sur 109km2, totalise 39.000 âmes réparties sur 75 villages, dont le plus peuplé est celui de Boukhalfa avec 8000 habitants. Elle arrive en troisième position après Béjaïa et Akbou. Commune rurale, elle est, toutefois, touchée par une extension urbaine. D'après le maire, le problème dont souffrent certaines localités d'Amizour, est la vétusté des réseaux AEP et d'assainissement; un peu plus de la moitié de la dotation étatique est réservé, au secteur de l'hydraulique, soit 20 millions de dinars sur les 320 millions de dinars des PCD. Fort heureusement, il y a les propres recettes de la commune. La fiscalité engorge quelque 79 millions de dinars. A cela, l'élu cite les désagréments causés par le système de dotations équitables entre les communes. «C'est injuste d'accorder la même enveloppe financière aux communes que tout différencie». Pour la lui «Amizour a besoin d'une forte dotation car elle a accusé un grand retard du fait des événements qu'elle a connus ces dernières années». Qu'à cela ne tienne, l'assemblée, les élus agissent par priorité. Aussi, l'aménagement urbain n'est programmé que pour la ville d'Amizour, Mardj Ouamane et quelques villages. «L'Etat tarde à débloquer l'argent et des localités ne sont pas retenues», a-t-il indiqué. Concernant les franges juvéniles, l'élu local citera fièrement les structures. «Le stade gazonné est utilisé par les équipes locales (USWA et JSA) et les équipes de division une en déplacement à Béjaïa» fait-il savoir avant de parler du centre culturel qui occupe un tant soit peu la jeunesse locale. Le maire insistera pour parler de Bouzebra Zouina qui a honoré l'Algérie en participant au championnat du monde d'athlétisme d'Ostrava dans la discipline du marteau. Et de conclure: «Nous lançons un appel aux investisseurs pour s'implanter à Amizour. C'est une manière efficace de lutter contre les maux sociaux, entre autres la consommation de drogues qui touche ces franges fragilisées.» En quittant le bureau du maire, le marché est déjà fermé. La ville reste concentrée sur le défilé d'ouverture du Festival du théâtre amateur. Les curieux s'agglutinent déjà sur les trottoirs du parcours du défilé. Place au théâtre. Le quatrième art élit domicile à Amizour jusqu'à demain.