Finie la fébrilité qui gagne toutes les régions de la Kabylie à l'approche du 20 Avril. Finies les expositions, les récitals poétiques, les témoignages, les films, les conférences, les débats, les galas qui rassemblaient les grosses pointures de la chanson engagée. Finies les marches, grandes marches grandioses où des centaines de milliers de citoyens battaient le pavé pour dire tout ce qu'ils pensaient. En ce 28e anniversaire des événements de 1980, ça n'a pas marché en Kabylie. Cela étant, l'événement a été quand même marqué. Trois marches simultanées ont été organisées, hier, à Tizi Ouzou, à l'occasion du 28e anniversaire du Printemps berbère de 1980. D'un côté, la Coordination locale des étudiants (CLE) a appelé la communauté universitaire à une marche, hier, à 10h00 du carrefour du 20 Avril, en face de l'université, vers le siège de la wilaya. De l'autre côté, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a lancé un appel à ses militants à la même heure et au même lieu. Le MAK, quant à lui, est venu prendre place sur les mêmes lieux. Il est à signaler que les marches n'ont pas pu drainer les foules comme les années précédentes. Les étudiants ont, cependant, été plus nombreux. Ils formaient un carré de quelque 700 marcheurs. Le RCD pour sa part, n'a pas réuni la totalité de ses militants, 500 étaient présents. Le troisième carré en nombre était celui du MAK qui n'a réussi à drainer qu'une cinquantaine de personnes. Les présents, hier, à Tizi Ouzou pouvaient aisément remarquer que les citoyens massés le long des trottoirs étaient plus nombreux que les marcheurs. Car, malgré les appels des animateurs, il y avait en tout moins d'un millier, toutes tendances confondues. Dès les premiers pas vers le carrefour du 20 Avril, à quelques mètres de l'université Mouloud-Mammeri, une certaine anarchie est apparue. Les étudiants craignant, selon leur porte-parole, la récupération politique, ont dû changer leur itinéraire. Ils ont observé un sit-in devant la bibliothèque, attendant le départ des autres marcheurs. Selon les responsables de la coordination des étudiants, leurs camarades n'ont pas suivi le mot d'ordre comme ils l'espéraient, craignant la récupération. Voulant marquer leur différence, ils affirmèrent que leurs revendications sont purement estudiantines. Leur itinéraire pour la circonstance devait donc commencer de l'université vers le Palais de justice afin de réclamer la levée des plaintes qui pèsent sur leurs camarades. Ils nous ont informé, d'ailleurs, que le nombre de plaintes qui était de 13 a doublé en l'espace d'une semaine. Actuellement, 26 étudiants sont poursuivis pour atteinte aux biens publics et appels à la violence. Arrivés, comme prévu, devant le Palais de justice, ils ont demandé à être reçus, en vain. Les marcheurs ont poursuivi leur itinéraire vers le siège de la wilaya pour se disperser ensuite dans le calme vers 11h30. Par ailleurs, la marche du RCD ne s'est pas déroulée comme il a été espéré. Au début, elle n'a pas réussi à réunir la totalité des militants. Ils étaient quelque 500 à entourer leur président. Il y avait du côté de Saïd Sadi les élus à Boudarène, Boussad Boudiaf, Hakim Saheb et le sénateur Semoudi. Le mot d'ordre était, comme à l'accoutumée, scandé par les militants, «la régionalisation comme solution au régionalisme». Toutefois, malgré la bonne organisation du carré du RCD, le président n'a pas échappé aux insultes de quelques groupes d'individus. Aux alentours de la 2e Sûreté urbaine, il aura fallu l'intervention des forces de l'ordre qui surveillaient les marches pour éviter des échauffourées entre les militants qui entouraient le docteur et des groupes de jeunes, visiblement déçus par ses propos sur le mouvement des archs. Les militants du Rassemblement pour la culture et la démocratie se sont dispersés une fois devant le portail du siège de la wilaya, une demi-heure avant l'arrivée des étudiants. Arrivés à la place Matoub-Lounès, au centre-ville, les marcheurs du MAK, environ une centaine, ont emprunté un itinéraire tout différent. Leur manifestation a pris fin, non pas au siège de la wilaya mais au siège de la Fédération nationale des fils de chouhada (Fnfc) de la wilaya; le mouvement des archs, quant à lui, s'est contenté de déposer une gerbe de fleurs au niveau de la place Matoub-Lounès où étaient présentes 30 personnes sans plus. Vers midi, toutes les marches ont pris fin dans le calme. Il est à signaler, que contrairement aux autres années, ce 28e anniversaire du Printemps berbère a fait éclater au grand jour les divergences qui étaient par le passé, latentes. Les citoyens n'ont pas répondu aux appels du RCD et du MAK. Les étudiants, quant à eux, ont imputé cette non-adhésion aux partis politiques. Ils ont considéré que leur marche était destinée à célébrer le 20 Avril, mais surtout à demander l'annulation des plaintes qui pèsent sur leurs camarades.