Au-delà des appréciations des uns et des mécontentements des autres, il est dénoncé ici le fait de se faire la tutelle de toute une population à qui on dicte un choix. Après que le directeur de l'ONCI, Bentorki, ait refusé de faire passer le film L'ennemi intime à la salle El Mougar, le qualifiant, d'après nos sources, de «harki» et bien qu'il soit diffusé en avant-première à la salle Ibn Zeydoun, le film de Emillio-Siri tarde à sortir dans les salles comme prévu par son distributeur en Algérie. Malek Aly-Yahia, directeur de Md Ciné, qui reconnaît que le ministère de la Culture l'a toujours soutenu, pour calmer le jeu et les ardeurs de certains, avait décidé, en commun accord avec ce ministère, de le soumettre à une commission de visionnage. Affirmant il y a deux mois être fair-play, contrairement à Jean-Pierre Lledo, qui avait vite fait de crier à «la censure» et à «la brimade» suite à l'interdiction de passer son film documentaire, Ne reste dans l'oued que ses galets, Malek Aly-Yahia qui fait remarquer, par ailleurs, détenir le visa d'exploitation du film, et espérait faire sortir L'ennemi intime dans au moins trois salles de la capitale, commence à perdre patience en pensant à la perte économique accusée en l'absence d'une quelconque réponse susceptible de l'éclairer sur la suite de l'affaire. En effet, l'on se demande le pourquoi de ce silence, quand on sait que regarder un film prend environ deux heures, tout au plus, pourquoi donc mettre plus de deux mois pour statuer sur le sort d'un film? Constitue-t-il à ce point un danger pour le public algérien? Pour rappel...L'ennemi intime c'est l'histoire du lieutenant Terrien, alias Benoît Magimel arrivé en 1956, pour protéger les villageois en Kabylie. Mais ceci n'est que la façade d'une «sale» guerre qui ne dit pas son nom. Très vite, l'homme se voit pris dans l'engrenage de cette machine à tuer, l'obligeant à commettre des actes irréparables pour sa conscience d'homme. Face à l'horreur, le sentiment d'impuissance, surtout de vengeance, en fait une mécanique donnant l'ordre de tuer, massacrer et torturer...Ce long métrage-fiction qui, revenant sur les épisodes cinglants qu'a connus l'Algérie durant la guerre de Libération nationale, évoque les actes de torture des Français comme il n'omet pas de stigmatiser les dépassements des fellagas qui, dans le film, exterminent tout un village pour donner l'exemple et faire taire les éventuels collaborateurs. C'est cette séquence qui sembla le plus choquer le public venu en force à la projection en avant-première ayant eu lieu, pour rappel, en février dernier. Une projection qui a suscité beaucoup d'émotion et a été suivie d'un riche débat qui en dit long sur la complexité de cette histoire qui réveille encore, aujourd'hui, autant de réactions et entrouvre des plaies non cicatrisées au sein de la communauté des moudjahidine, notamment. Le film, qui vient de sortir en France, suscite déjà la polémique et fait parler les intellectuels français. Certains se voient carrément choqués par des scènes jugées comme impensables, comme celle du bombardement au napalm et d'aucuns doutaient encore de son existence! De l'agitation et c'est tant mieux, preuve s'il en est de la bonne santé de la scène culturelle dans l'Hexagone. Au-delà des avis partagés du public, des appréciations des uns et les mécontentements des autres, il est relevé ici encore une fois le choix de se faire la tutelle de toute une population, à qui il est dicté de voir ou ne pas voir un film. Une fureur d'abus de pouvoir qui semble s'ériger en légion, et qui risque à la longue de se normaliser, au grand dam de la liberté d'expression et de création. Et c'est ce qu'il faut dénoncer le plus tôt possible! Le public n'est-il pas assez intelligent pour apprécier ou non un film à sa juste valeur?