Le Premier ministre libanais, tout en préconisant le dialogue, a néanmoins instruit l'armée de «retirer de la rue» les hommes «armés» Dans son discours adressé hier à la nation, pour la première fois depuis les graves événements qui ont marqué le Liban ces quatre derniers jours, le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, semble avoir choisi la confrontation. M Siniora s'est voulu ferme, affirmant que «la démocratie a été poignardée au coeur (...) mais l'Etat libanais ne tombera pas face aux putschistes», désignant nommément les mouvements chiites, Amal et Hezbollah. «Nous n'avons pas déclaré la guerre au Hezbollah et n'allons pas la déclarer. Mais ses milices et celles d'Amal ont envahi les maisons et les quartiers de Beyrouth, mais nous ne permettrons pas cela» a-t-il indiqué à partir du siège du gouvernement à Beyrouth. Le Premier ministre libanais a encore ajouté: «Le recours à la force n'est pas la solution, mais le dialogue (l'est), insistant cependant (...) Les armes du Hezbollah doivent faire l'objet d'un dialogue». Toutefois, M.Siniora, dans le même discours, tout en faisant état de la nécessité de «dialoguer», instruit dans le même temps l'armée libanaise «d'imposer la sécurité» dans le Liban et de «retirer les hommes armés de la rue immédiatement» indiquant: «Je demande à l'armée d'imposer la sécurité à tous et dans toutes les régions et de retirer les hommes armés de la rue immédiatement». Il appela, d'autre part, l'armée «à mettre fin au sit-in de l'opposition menée par le Hezbollah dans le centre-ville de Beyrouth» et demande au «commandement de l'armée de protéger la paix civile». Cette fermeté du Premier ministre libanais reflète-t-elle la situation sur le terrain? En d'autres termes, le gouvernement libanais, dont le fonctionnement est paralysé depuis plus d'une année, a-t-il les moyens de sa politique? Ou encore, l'armée libanaise est-elle réellement en mesure de désarmer les milices du Hezbollah, bien armées et bien entraînées? En fait, l'intervention de Fouad Siniora pose plus de questionnements qu'elle n'apporte de réponse à la situation de blocage qui est celle du Liban depuis la démission des ministres de l'opposition en novembre 2006. Par ailleurs, en s'en prenant nommément aux deux piliers de l'opposition, les mouvements chiites Amal et Hezbollah, M.Siniora engage de fait le Liban dans l'inconnu, donnant l'impression d'avoir choisi la confrontation plutôt que l'apaisement et le dialogue qu'exige la situation où se trouve le pays du Cèdre. Il est patent que le pays ne peut se payer le luxe d'une nouvelle guerre civile, doublée d'une guerre de «religion» entre chiites et sunnites libanais. Guerre qui pourrait avoir des répercussions dramatiques, outre sur le Liban lui-même, aussi sur l'ensemble de la région par le réveil des vieux démons du confessionnalisme en opposant les sunnites aux chiites. C'est d'autant dangereux que l'on s'est encore battu hier à Beyrouth et dans sa périphérie. Combats qui se sont soldés par la mort de onze personnes selon un bilan publié en milieu de matinée d'hier, portant à 29 le total des morts enregistrés depuis le début des confrontations, mercredi, entre partisans de l'opposition, soutenue par la Syrie et l'Iran et ceux de la majorité appuyée par les Etats-Unis et la France, notamment. Or, le discours guerrier, en ces moments difficiles pour le Liban, ne fera qu'attiser les rancoeurs plutôt que d'apaiser les esprits. Dans ce contexte, les appels à la «retenue» se sont poursuivis hier, notamment celui du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a dit dans un communiqué que «tout doit être fait maintenant pour empêcher cette situation de se détériorer». Le secrétaire général «appelle toutes les parties à la retenue» et à «résoudre leurs différences politiques par des moyens pacifiques et par le dialogue», ajoute M.Ban. Sur un autre plan, les tractations se poursuivaient hier dans la perspective de la réunion «urgente» des ministres arabes des Affaires étrangères, convoquée pour aujourd'hui au Caire. Toutefois, la Syrie ne semble pas autrement pressée de prendre part à cette rencontre. C'est du moins ce qu'indiquait hier, le Premier ministre qatari, cheikh Hamad ben Jassem Al-Thani, de retour de Damas, où il accompagna l'émir du Qatar, qui affirma que la Syrie «hésite» à participer à la réunion ministérielle arabe sur la grave crise au Liban. S'exprimant sur Al Jazeera, cheikh Hamad a fait état «d'hésitations» de la part des autorités syriennes sur leur «participation à la réunion des ministres des Affaires étrangères arabes» estimant toutefois, que «la présence de la Syrie à la réunion arabe est importante». D'aucuns se demandent à quoi servira une nouvelle réunion, aussi urgente soit-elle, quand les Arabes -qui ont tenté vainement des médiations depuis l'éclatement de la crise libanaise- ne parviennent pas à rapprocher les vues des deux parties libanaises trop influencées par des pressions externes et qui restent scotchées sur des positions antagonistes qui ne servent en rien l'avenir immédiat du Liban.