Le chef de la diplomatie française a évacué la question sensible de la colonisation. Dans une entretien qu'il a accordé à l'APS, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a évoqué la France coloniale avec une tonalité bien particulière. «Le système colonial était profondément injuste, même si nombre d'hommes et de femmes qui l'ont porté aimaient profondément l'Algérie et ont beaucoup donné pour contribuer à son développement», a-t-il déclaré reprenant les propos tenus par le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy, lors de son déplacement à Alger en décembre dernier. C'est ainsi que le ministre français des Affaires étrangères a voulu dépassionner l'approche de l'histoire commune des deux pays. D'une certaine manière, le président Sarkozy «a l'avantage de pouvoir considérer ces sujets difficiles avec un certain recul», a affirmé M.Kouchner avant de souligner que le président Sarkozy «a dit à Alger ce qu'aucun chef d'Etat français n'avait dit avant lui». Ce recul et cette assurance, le président français les puise, notamment du fait qu'il est aussi le premier président de la Ve République à ne pas avoir connu la Guerre d'Algérie. «Pour le président Sarkozy, c'est qu'il faut en finir avec les contentieux du passé qui alourdissent nos relations et nous empêchent de nous tourner vers l'avenir. C'est une question difficile, car elle implique des drames, des souffrances, des rancoeurs, des deux côtés de la Méditerranée.» Le contentieux historique entre l'Algérie et la France n'étant pas réglé ou dépassé, c'est selon, il demeure délicat et sensible. Toujours à la limite de la rupture, une simple déclaration peut susciter les réactions les plus violentes de part et d'autre. Aussi, le chef de la diplomatie française ne s'est pas aventuré sur un terrain aussi «glissant». M.Kouchner s'est contenté de rappeler des passages du discours de son président et les propos de l'ambassadeur de son pays en Algérie. «Les propos qu'a tenus notre ambassadeur à Guelma, il y a une quinzaine de jours, vont dans le même sens et poursuivent le même objectif: reconnaître le passé pour sortir enfin de la guerre des mémoires et regarder vers l'avenir», a rappelé l'hôte de l'Algérie avant de noter que «cette avancée est fondamentale, et doit être considérée comme telle, car c'est sur la base d'une mémoire apaisée et sereine que nous pourrons continuer à construire le partenariat d'exception qui caractérise, aujourd'hui plus que jamais, la relation franco-algérienne». Avant d'aborder cette sensible question du passé colonial et de l'histoire, M.Kouchner a préféré rappeler les avancées enregistrées dans d'autres domaines entre les deux pays depuis la visite du président Nicolas Sarkozy en Algérie. Une visite qui a permis d'assainir plusieurs dossiers dont celui relatif au contentieux sur les assurances, qui, vieux de plus de 40 ans, a ainsi été soldé à l'occasion de la visite du ministre des Finances, Karim Djoudi, à Paris, en mars dernier. «Nous avons également progressé sur la question délicate des sites d'essais nucléaires français au Sahara, sur laquelle un groupe de travail franco-algérien ne devrait pas tarder à se mettre en place.» Il indique également que la France a remis à l'Algérie les archives audiovisuelles de l'INA en février dernier et «un processus a été engagé pour la mise à disposition de celles de l'Ecpad, l'ancien service cinématographique des Armées». Mais ce n'est pas pour régler un contentieux historique vieux de plusieurs décades que Bernard Kouchner est à Alger. Les enjeux de cette visite sont surtout géostratégiques. Il s'agit en premier lieu du projet de l'Union pour la Méditerranée: «(...) Je me rends aujourd'hui à Alger, pour parler des nombreux projets que nous avons encore à accomplir ensemble. Parmi eux, il y a notamment la question cruciale de l'Union pour la Méditerranée» a-t-il affirmé dans le même entretien. A croire M.Kouchner, «l ‘Algérie a manifesté très tôt son intérêt pour le projet». Mais il dira à ses interlocuteurs, à Alger, que «dans cette optique, l'Algérie fait évidemment partie des partenaires majeurs sur lesquels nous comptons beaucoup», et c'est le sens du message que le président Sarkozy l'a chargé de remettre à son homologue algérien. Arrivera-t-il à convaincre les Algériens?