L'Algérie ne peut cautionner un projet comprenant en son sein un pays comme Israël, qui continue de perpétrer des massacres en Palestine, ni une alliance avec le Maroc qui, en dépit des résolutions de l'ONU et de l'Union africaine, continue d'occuper les territoires sahraouis. Selon des sources diplomatiques, le président de la République ne prendrait pas part au Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de la future Union pour la Méditerranée (UMP) prévu à Paris le 13 juillet prochain. Selon les mêmes sources, le Président Bouteflika aurait d'ores et déjà signifié au président français, Nicolas Sarkozy, sa réticence à prendre part à un tel sommet. La Présidence aurait informé l'Elysée de son refus d'être représentée au niveau du chef de l'Etat à ce rendez-vous diplomatique, lors de la dernière visite à Alger du chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner. Les observateurs de la scène politique méditerranéenne s'accordent à dire que la prochaine visite à Alger du Premier ministre français, François Fillon, n'apportera pas de grands changements quant à la décision de l'Algérie qui a décidé ainsi de faire l'impasse sur le sommet de l'Union pour la Méditerranée. Abdelaziz Bouteflika est convaincu de la justesse de sa décision. Les mêmes observateurs estiment que la décision du chef de l'Etat est loin de toute considération bilatérale et encore moins au fait que la France, initiatrice du projet, ait décidé unilatéralement au partage des postes. Une information démentie par Bernard Kouchner lors de sa visite à Alger tout en affirmant que «tout n'est pas réglé». L'aveu est de taille. La divergence est de fond. Elle est de principe. En déclinant l'invitation, le chef de l'Etat répond ainsi favorablement à la demande de la classe politique nationale et certains courants nationalistes qui voient mal le Président Bouteflika s'asseoir à la même table qu'un représentant d'Israël. L'Algérie, qui fait sien le droit à l'autodétermination des peuples, ne peut cautionner un projet censé apporter la paix et la stabilité en Méditerranée, comprenant en son sein un pays comme Israël, qui continue de perpétrer des massacres en Palestine, avec le consentement de ses alliés en Occident. Une position soutenue, d'ailleurs pas la Syrie et la Libye. Ces deux pays ont, en effet, émis de fortes réserves sur leur éventuelle participation au Sommet du 13 juillet. Pour l'Algérie, s'associer à Israël avec qui elle n'entretient aucune relation diplomatique, même au sein de l'Union pour la Méditerranée, équivaudrait à une négation de l'Etat palestinien et cautionnerait l'occupation des territoires palestiniens par Israël. Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas déclaré être un «ami inconditionnel d'Israël» lors de son voyage, le premier d'un chef d'Etat français en douze ans, à Tel-Aviv? Par cette prise de position, Nicolas Sarkozy a voulu rompre avec des décennies de politique étrangère hexagonale qualifiée, auparavant, de pro-arabe. Sur un autre plan, l'Algérie ne peut concevoir une alliance avec le Maroc, qui, en dépit des résolutions de l'ONU et de l'Union africaine, continue d'occuper les territoires sahraouis. Deux problèmes aggravés par les ingérences de la France qui violent les résolutions onusiennes au mépris du droit international. L'autre facteur ayant motivé la décision algérienne a trait au manque de visibilité dans le projet de Nicolas Sarkozy. Trop de non-dits. Trop de flou. Controversé des deux cotés de la Méditerranée, le projet de l'Union pour la Méditerranée risque d'être mort-né. Nicolas Sarkozy a tendance à oublier que toute entité repose sur l'équité. Or, comment concevoir une Union quand le dialogue des civilisations est en butte à des considérations d'ordre politique? La France n'a jamais voulu se repentir de ses crimes commis en Algérie durant la guerre de Libération. Est-il si humiliant d'exprimer des regrets? s'interroge Bertrand Delanoë, maire de Paris, dans son livre De l'audace, avant de préciser que le plus choquant réside dans le fait que la France ne s'est exprimée sur la repentance qu'à propos de Vichy. D'ailleurs, la France qui parraine ce projet feint d'oublier qu'elle est le seul pays d'Europe à posséder, au sein de son gouvernement, un ministre de l'Immigration. Brice Hortefeux, tout en répétant qu'il n'y aura jamais de régularisation massive des sans-papiers, prône, au contraire, une «immigration choisie». Une façon de «pomper» l'élite des pays en voie de développement, à l'instar de l'Algérie. Pour toutes ces raisons, le Président Bouteflika aurait décidé de faire l'impasse sur le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'UPM. La lune de miel entre Alger et Paris semble consommée en dépit des sérénades chantées et du ballet diplomatique. Et ce ne sont pas les paroles de diplomates et aux formules châtiées, habitués à ce genre de circonvolutions, qui vont changer la réalité. Le traité d'amitié est renvoyé aux calendes grecques. Au plan économique, la France se suffit de paroles. Les investissements français vont ailleurs. Aussi, parler de traité de fraternité, c'est aller vite en besogne. C'est carrément mettre la charrue avant les boeufs. Les envolées lyriques ne sont que de circonstance.