Le sang a coulé dans la petite ville portuaire de Sidi Ifni, située à 700 km au sud de Rabat. 8 morts, 44 blessés et des dizaines d'arrestations, c'est le lourd bilan des violents affrontements qui ont opposé, samedi dernier, de jeunes chômeurs aux forces de l'ordre. Une centaine de jeunes manifestants bloquaient toutes les issues menant au port, depuis le 30 mai dernier. 89 camions transportant une cargaison de quelque 800 tonnes de poissons se sont retrouvés immobilisés. Selon les témoignages rapportés par la presse de la gauche marocaine, la brutalité policière aurait été sans bornes. Plusieurs quotidiens la dénoncent. L'éditorialiste de Libération, journal de l'Usfp (Union socialiste des forces populaires) a constaté que «les habitants de Sidi Ifni sont en colère: face à leurs revendications à caractère social, les forces de l'ordre sont intervenues en utilisant des balles en caoutchouc et des bombes lacrymogènes». Et au journaliste de poursuivre et d'enfoncer le clou en mettant en exergue le «mépris» des pouvoirs publics marocains vis-à-vis des revendications des manifestants de Sidi Ifni. «Les revendications des habitants de Sidi Ifni sont connues depuis longtemps. Ils reprochent aux autorités leur négligence...et cela dure depuis au moins quatre ans, et rien ne bouge», souligne le quotidien. Le Soir, journal indépendant, constate et dénonce: «Le ras-le-bol est de plus en plus palpable. Tabasser aveuglément des chômeurs et violer l'intimité des maisons sont, dans les conditions actuelles, une aventure aux conséquences incertaines» fait remarquer le quotidien. Al Ahdath Al Maghribya signale quant à lui que le mouvement de colère a fait tache d'huile. D'autres quartiers se sont soulevés. Les face-à-face ont pris une tournure de plus en plus violente. «D'autres affrontements ont eu lieu dans les cités Boulaalam, Lalla Meryem, Al Marssi et Kouloumina, où les policiers répondaient aux jets de pierres, par des tirs de balles en caoutchouc, en poursuivant les manifestants dans les maisons et sur les terrasses», a précisé quant à lui, ce quotidien. A vrai dire, la rue marocaine connaît depuis quelques jours des manifestations à répétition qui en disent long sur le malaise social qu'endure la société marocaine. Le 16 mai 2008, des affrontements ont opposé les forces de l'ordre aux étudiants de l'université de Marrakech (sud). Ces derniers revendiquaient une augmentation du montant de leurs bourses ainsi qu'une amélioration des conditions dans lesquelles se déroulaient leurs examens. La manifestation s'est soldée par des blessés dans les rangs des deux camps. Ahmed Merzak, président de l'université de Marrakech, a cependant signalé que des locaux de l'administration ont été incendiés. Le 21 mai 2008, une grève générale de 24 heures a été décidée par la Confédération démocratique du travail, la CDT. Elle a touché les secteurs public et privé. Le chômage qui se situait autour des 9,7% dans le Royaume en 2007, selon les chiffres officiels, fait des ravages chez les jeunes. Sur dix demandeurs d'emploi, 4 d'entre eux ont moins de 25 ans. Le Royaume chérifien, comme beaucoup d'autre pays de la planète, fait face difficilement à la hausse des prix des produits de consommation. Toutefois, la flambée des prix du pétrole a sensiblement augmenté la facture pétrolière. Les importations pétrolières du Royaume au 1er trimestre 2008 ont atteint 74 millions d'euros. Une hausse de 68,9% par rapport au 1er trimestre 2007. La rue gronde et les prix de l'or noir s'envolent, l'incendie risque de se transformer en brasier.