La mission des réformistes s'annonce complexe à cinq mois de la rentrée scolaire. Le chef de l'Etat a insisté, lors du dernier Conseil des ministres, qui s'est tenu avant-hier, sur l'importance de la réforme de l'éducation. Malgré les embûches qu'a connues ce dossier, le pouvoir demeure optimiste, en affirmant que la prochaine rentrée scolaire sera celle des réformes, à en croire les précédentes déclarations du Président de la République faites en Algérie et ailleurs. Abondant dans le même sens, le premier responsable du secteur, M.Benbouzid a exposé, lors du même Conseil des ministres, le plan d'action de mise en oeuvre de la réforme. Un plan qui s'articule autour de 15 chantiers proposés par la Commission Benzaghou et qui précise les objectifs à travers 47 mesures dont il détermine, par ailleurs, les modalités et les échéanciers de mise en oeuvre. On apprend aussi qu'il est prévu de mettre en place un encadrement de soutien au système éducatif par la création de deux nouvelles institutions nationales, l'une de concertation, à travers, le Conseil national de l'éducation et de la formation et l'autre de régulation, chargée de produire les indicateurs et paramètres de mesures de performance du système éducatif et de les mettre en rapport avec les normes et standards internationaux, à travers l'Observatoire national de l'éducation et de la formation. Le reste du communiqué ne fait que rappeler les objectifs théoriques de ces réformes qui visent, lit-on, à «mettre en place un système rénové et stable de formation, de mise à niveau et d'évaluation de l'encadrement pédagogique, la réforme pédagogique et la réhabilitation du champ disciplinaire». Sur le terrain, ces objectifs vont être traduits par la mise en oeuvre d'une nouvelle politique des langues, en «s'attachant» à mettre l'éducation civique, morale et religieuse au service de la formation «d'un citoyen attaché à ses valeurs, à son pays et ouvert sur le monde». Elle fera une grande place à l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le communiqué n'en dira pas plus. Résultat: l'opinion publique n'en saura pas davantage sur ce dossier qui a été, notons-le, présenté depuis plus d'une année au Président de le République. En effet, le travail de la Commission nationale pour la réforme du système éducatif (Cnrse), a été entouré depuis le début d'une confidentialité jugée «essentielle» par M.Benzaghou. Un «choix» qui a ouvert le champ aux «détracteurs» des réformes qui continuent de stigmatiser tambour battant le rapport Benzaghou en qualifiant ladite commission de «laïque». Parmi les points les plus stigmatisés, on retrouvera la révision du livre scolaire sur l'éducation islamique, l'intérêt spécial accordé à l'enseignement des langues étrangères, notamment l'introduction du français dans les programmes scolaires dès la deuxième année primaire et l'utilisation de cette langue dans l'enseignement des matières scientifiques. Autant de mesures qui porteraient atteinte «aux valeurs nationales», selon la coordination de M.Benmohamed, créée au lendemain de l'installation de la Cnrse. Plusieurs partis politiques de la tendance islamiste ont emboîté le pas à M.Benmohamed. Le MSP, El-Islah et Ennahda ont exprimé clairement leur refus quant à l'application de ces réformes. Par ailleurs, un flou paradoxal règne sur les positions des «démocrates», qui jouent mystérieusement le rôle d'observateur alors que la logique voudrait qu'ils soient les premiers défenseurs d'une réforme qu'ils ont eux-mêmes prônée des années durant. Cinq mois avant la prochaine rentrée scolaire et malgré «l'optimisme officiel», le travail des réformistes s'annonce plutôt difficile. Au-delà de l'obstacle nommé «Benmohamed», leur mission semble plutôt buter sur des données objectives. En effet, même si le pouvoir a gagné la bataille idéologique, il n'en demeure pas moins que cela n'est pas suffisant pour réussir des réformes exigeant, de prime abord, des investissements colossaux, pour la formation des professeurs, notamment de tamazight, qui sera une matière obligatoire à partir de l'année prochaine, l'équipement des établissements scolaires, l'élaboration de nouveaux manuels, etc. Les spécialistes ont d'ailleurs soulevé ce point à l'occasion des différentes rencontres organisées autour de cette question. Il s'agit, selon eux, d'éviter les erreurs de l'école fondamentale.