Par rapport aux chiffres communiqués, la réalité est tout autre et confine au tragique. L'exploitation des enfants sur le marché du travail est loin d'être douteuse en Algérie. Tel est l'avis de l'inspecteur général du travail, Mohamed Khiat, également président de la Commission nationale intersectorielle de prévention et de lutte contre le travail des enfants. S'exprimant jeudi dernier au siège du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à Alger, à l'occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, le président de la Commission, créée en 2003, souligne: «Il y a 156 enfants n'ayant pas atteint l'âge légal du travail (16 ans) qui exercent dans différentes entreprises, révèle une enquête réalisée par les services de l'inspection du travail en 2006 sur un échantillon de 3953 établissements occupant un effectif de 28.840 travailleurs salariés.» Il a, en outre, affirmé que l'importance accordée par l'Algérie à la question du travail des enfants et les mesures appropriées de prévention et de protection de l'enfant sont consacrées sur le plan de la législation du travail. Cette démarche s'explique par l'interdiction de l'emploi des enfants de moins de 16 ans, sauf pour les cas de contrats d'apprentissage. Cette dernière mesure consiste en l'obligation d'une autorisation du tuteur légal pour l'emploi des travailleurs mineurs (-18 ans). Selon cette source, les cas de travail des enfants, constatés à l'issue de ces contrôles intensifs, sont isolés et sont loin d'atteindre les proportions d'un phénomène. Le travail des enfants de moins de 16 ans est réprimé par la loi algérienne car, à cet âge, est-il noté, l'enfant doit être sur les bancs de l'école, rappelle-t-on. En 2006, durant la même année de la réalisation de l'enquête du ministère du Travail, une enquête similaire sur l'exploitation des enfants a été menée par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). Cette enquête a démontré que sur un échantillon de 3000 personnes âgées de moins de 18 ans, 2,89% d'entre eux travaillent. Ces derniers, payés au rabais sont, dans la majorité des cas, exploités dans les secteurs du bâtiment et de l'agriculture. A l'échelle nationale, sur une population enfantine évaluée à environ 10 millions de personnes, la projection nous donnerait entre 250.000 à 300.000 enfants exploités. Quoique ce chiffre paraisse énorme il ne serait pas loin de la vérité selon certains observateurs. Les chiffres officiels, quant à eux ne prennent en compte que les enfants recensés dans des lieux de travail hors du secteur de l'informel (usines, entreprises, exploitations agricoles...). Les enfants travaillant comme vendeurs de cigarettes, gardiens de parkings, vendeurs à la sauvette, porteurs....Il est à signaler que l'étude du Forem s'est étalée sur une année. Elle a eu lieu dans une dizaine de wilayas dont Alger, Blida, Boumerdès, Aïn Defla, Bouira, Tizi Ouzou, Tipaza et Tiaret. La pauvreté et l'échec scolaire sont de loin les premières causes qui poussent les enfants à travailler dans le secteur informel. Le constat est alarmant en dépit des programmes de lutte contre le travail des enfants engagés par les pouvoirs publics. De plus, l'Algérie a ratifié la Convention internationale sur les droits de l'enfant le 19 décembre 1992, émettant toutefois des réserves sur certaines dispositions contenues dans cette convention. Au plan réglementaire, la loi algérienne, même si elle interdit le travail des enfants de moins de 16 ans, autorise, néanmoins, leur recrutement avec une autorisation parentale ou du tuteur légal. Des conditions spécifiques de recrutement qui peuvent paraître comme autant d'aberrations auxquelles il faut mettre un terme, afin de mettre l'Algérie en conformité avec ses engagements internationaux.