Une déclaration du Premier ministre australien a semé l'émoi au sein des milieux diplomatiques. Décidément, le président de l'Opep, Chakib Khelil, a eu raison de montrer les dents à la veille de la tenue de la réunion des pays de l'Opep à Djeddah. C'est que cette organisation est devenue depuis quelques mois la cible d'attaques les plus virulentes. Après les accusations du président américain, George W.Bush, c'est au tour du Premier ministre australien, Kevin Rudd, de s'attaquer à l'Opep. Lors de sa récente visite au Japon, le Premier ministre australien a, en effet, violemment pris à partie l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l'accusant de manipuler délibérément le marché dans le but de pousser les cours à la hausse. «Nous avons besoin, a-t-il soutenu, d'une déclaration claire des grandes puissances économiques (G8) à l'intention des pays producteurs de l'Opep pour les inviter à relever leurs quotas de production», affirmant qu'il y a une «distorsion entre l'offre et la demande sur le marché». Kevin Rudd a appelé les pays consommateurs à «appliquer le chalumeau» à l'Opep (apply a blowtorch to Opep, dixit). Cette déclaration incendiaire du Premier ministre australien, qui doit assister au prochain Sommet du G8 en tant qu'invité, à semé l'émoi dans les milieux diplomatiques à Canberra, et provoqué l'ire de l'opposition parlementaire. L'Australie est, en effet, l'un des pays qui ont le plus profité de l'envolée des prix des matières premières et de l'énergie (minerai et charbon). Ce pays se place en tête, en termes de gains parmi les 30 membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (Ocde) qui regroupe les pays les plus développés: il devance même la Norvège, pays producteur d'énergie. L'effet cumulé de ce «boom» a permis, ces dernières années, à l'Australie d'augmenter son revenu national de quelque 260 milliards de dollars. Il convient de rappeler que, dans le domaine du minerai de fer, trois compagnies dont deux australiennes (BHP et Rio Tinto) détiennent un quasi-monopole mondial avec 70% du marché et imposent leurs prix: cette année, le cours du minerai de fer a augmenté de 70%. Le Congrès américain, qui a été prompt à faire jouer la loi antitrust contre l'Opep, est demeuré impavide face à l'Australie qui impose sa loi sur le marché des matières premières (minerai de fer et charbon). Selon des sources diplomatiques, contactées à Canberra, la sortie du chef du gouvernement australien est qualifiée de «brutale» et «d'étonnante», sinon «d'incongrue», tandis que l'opposition parlementaire le met en demeure de s'expliquer. Pour cette dernière, cette déclaration n'est qu'une «opération de diversion» visant à faire oublier sa promesse de ne pas relever les prix de l'essence. Une source chinoise, jointe à Alger, qualifie le chef du gouvernement australien de «tigre de papier», la Chine étant le plus gros importateur de minerai de fer et de charbon australiens.