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«Je pourrais quitter l'équipe nationale»
RABAH SÂADANE À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 25 - 06 - 2008

L'entraîneur national semble dépité par une espèce d'indifférence qui entoure cette équipe.
L'Expression: Au bout de quatre journées de compétition dans les qualifications à la CAN et au Mondial 2010, l'équipe d'Algérie se retrouve 2e, à deux points de celle du Sénégal. Est-ce l'objectif que vous vous étiez fixé au départ de cette phase?
Rabah Saâdane: Non. Ce que je m'étais fixé comme objectif, c'était d'obtenir le maximum de points, c'est-à-dire plus que les 6 que nous avons actuellement.
12 points, par exemple?
Pourquoi pas? Cela aurait voulu dire que nous devions remporter nos quatre matchs.
Ambitieux comme projet.
Mais réalisable, car si vous vous remémorez les quatre matchs, il n'a pas manqué grand-chose pour que nous réussissions à le faire. Au Sénégal, nous inscrivons un but des plus valables à 0 à 0 et l'arbitre nous le refuse. En Gambie, on prend un but sur un penalty litigieux entaché d'une position de hors jeu. Vous voyez, ce sont des petites choses mais qui peuvent influer sur le résultat d'un match.
Mais 6 points ce n'est pas du tout négligeable.
Oui, absolument, puisqu'on reste dans la course à la qualification. Vu les conditions dans lesquelles nous avons joué, il faut en tirer un satisfecit. D'autant que j'avais toujours affirmé avant la compétition que cette première phase de ce premier tour allait être extrêmement difficile, d'une part parce qu'elle se présentait à la fin d'une saison harassante, d'autre part parce que nous disposions de joueurs qui n'étaient pas dans les meilleures conditions psychologiques du fait qu'ils n'étaient pas rassurés sur le plan professionnel. C'est une période de transferts et il est normal que le joueur soit focalisé sur ce qui se dit çà et là, et sur les contacts qu'il a. On a tendance à prendre le joueur pour un automate à qui on peut tout faire. On oublie trop souvent que le joueur est avant tout un être humain qui a des soucis de toutes sortes, même s'il ne le dit pas ouvertement.
D'un point de vue technique, ces 6 points vous les prenez comment?
Comme un bon résultat même s'ils ont tous été obtenus à domicile. Nous avons joué chez nous deux matchs que nous avons gagnés en inscrivant 4 buts au total. C'est une bonne moyenne puisque cela nous fait deux buts par match et zéro but encaissé.
Il y a qu'en déplacement, le bilan a été négatif.
C'est vrai mais il faut se dire que nous sommes dans un groupe très difficile, et s'imposer chez l'adversaire ce n'est pas du tout évident. D'autant qu'en plus de l'adversaire, vous devez vos battre contre un arbitrage lequel en plus de ne vous faire aucun cadeau, favorise l'autre équipe. Cela fait des années que cela se reproduit mais rien n'est fait pour remédier à ce grave problème. L'arbitrage est l'un des points noir du football africain et tant qu'il restera en l'état on n'avancera pas. Vous savez, je faisais partie du staff technique de l'équipe nationale en 1981 lorsque nous étions allés battre le Nigeria chez lui, un résultat que nous avions confirmé après en match retour à Constantine et qui nous avait permis de nous qualifier pour la Coupe du monde. Au Nigeria, la FAF avait demandé et obtenu de la Fifa qu'elle désigne un arbitre européen. Si mes souvenirs sont bons, c'était un Suisse qui nous avait arbitrés et nous avions gagné à Lagos devant 100.000 spectateurs. Je ne pense pas qu'avec un arbitre africain, nous aurions réalisé un tel résultat même avec le très riche effectif que nous avions. Aussi bien au Sénégal qu'en Gambie, nous avions eu affaire à un arbitrage maison qui nous a été défavorable. Avec un bon arbitre nous aurions pu obtenir un point dans chacun de ces deux matchs et avec 8 points notre position en vue de la qualification se serait trouvée renforcée.
Mais vos adversaires peuvent dire la même chose pour l'arbitrage lorsque l'Algérie joue chez elle.
Je ne pense pas qu'ils puissent s'exprimer ainsi parce que même chez nous, l'arbitrage ne nous a pas été favorable. Surtout contre la Gambie où là c'était flagrant qu'il cherchait à avantager cette dernière. Il y avait notamment un des deux juges assistants qui le montrait et je n'ai pas manqué de le lui dire d'une manière énergique. J'ajoute que nos adversaires usent maintenant de tous les ingrédients pour nous perturber.
Vous voulez parler de ce qu'ont fait les Gambiens avant le match retour?
Absolument. Ce qu'ils ont fait est absolument scandaleux. Ils ont tout fait pour perturber le groupe de nos joueurs sur le plan psychologique en faisant référence à la tragédie nationale qu'a traversée l'Algérie dans les années 90. Ils ont eu l'audace d'écrire à la Fifa et, lors du match retour, ils ont manigancé un coup avec un canif qu'ils avaient eux-mêmes apporté. Cela est inadmissible et la FAF ne doit pas s'endormir. Elle doit réagir à son tour et élever une vive protestation auprès de la Fifa. Si on se met à user d'artifices aussi dangereux, des artifices subversifs, le football international ne s'en sortira pas. Les Gambiens sont venus chez nous et ils ont vu ce qu'était l'hospitalité algérienne. Ils ont été mis dans les meilleures conditions de séjour et ils n'ont manqué de rien. Ce n'est pas ce qu'ils nous ont fait lorsque nous sommes allés chez eux. L'Algérie ne cesse d'accueillir des délégations sportives de tous les pays et, jusqu'à présent, on n'a jamais entendu parler d'un quelconque incident qui se soit produit chez nous et ce, dans tous les sports. Non, vraiment, la FAF ne doit pas laisser passer cela.
Cet incident semble vous avoir beaucoup gêné.
Mais bien sûr qu'il m'a gêné. Parce qu'il contribue à vouloir jeter le discrédit sur mon pays et ensuite à perturber mes joueurs. Vous savez, ces derniers sont fragiles psychologiquement parlant. Un rien peut les énerver et les amener à perdre leur self-control. Je n'ai jamais cessé de les mettre en garde, de leur demander de se soucier du jeu et d'ignorer l'arbitre. Un joueur qui s'égare dans des palabres avec un arbitre en vient à perdre sa concentration et à commettre, par la suite, des erreurs dans le jeu.
Des quatre matchs que l'équipe d'Algérie vient de disputer, quel est celui qui vous a le plus satisfait?
Très certainement celui contre le Liberia et pas seulement, parce que nous avions gagné ce jour-là par 3 buts à 0. D'un point de vue technique et tactique, les joueurs ont développé le jeu que j'attendais d'eux. Il y avait du mouvement et de la percussion en attaque. Nous avons bien couvert le milieu du terrain et en défense nous avons laissé peu d'espace aux Libériens. Mais attention, dans les 3 autres matchs, il y avait des aspects positifs et même en déplacement, nous avions su bousculer nos adversaires au point de pouvoir obtenir des résultats intéressants avec un arbitrage vraiment à la hauteur et qui soit neutre.
Vous venez d'avoir les joueurs pendant un mois sous votre coupe. C'est ce que vous recherchiez puisque vous disiez que les trois jours des dates Fifa ne permettent pas de travailler la cohésion. Comment ont réagi les joueurs à ce long mois de regroupement?
Je vous ai dit tout à l'heure que le joueur est avant tout un être humain. Tous sortaient d'une saison épuisante et au moment où chacun d'eux aspirait à des moments de détente et de vacances, on leur a dit de reprendre le collier pour un mois de stage. Mettez-vous à leur place. Ils ont une vie de famille et nul doute que leurs familles respectives voyaient d'un mauvais oeil ce stage au long cours.
J'ajoute que nombre d'entre eux avaient des soucis de transfert et se devaient de les régler. Ce n'était pas facile et même s'il y eut deux petits incidents, vite résorbés, l'ensemble des joueurs a bien réagi. Ils ont eu un comportement de professionnels et de nationalistes. Voyez Bouguerra et Meniri qui étaient suspendus pour les deux premiers matchs et qui, lorsqu'ils ont rejoint le groupe et qu'ils ont appris qu'ils seraient remplaçants, ont fort bien pris la chose. Je tiens ici à rendre hommage à tous ces joueurs pour le sacrifice qu'ils ont consenti. Nous avons, de notre côté, à baisser la pression en entrecoupant le stage de quelques jours de farniente. Il faut couper de temps en temps et le joueur en a réellement besoin.
Vous dites que les joueurs avaient des soucis de transfert. Ce devait être difficile pour eux de s'en occuper vu qu'ils étaient en regroupement.
Ils étaient certainement en contact permanent avec leurs agents par le biais du téléphone portable. Nous ne pouvions tout de même pas leur interdire de le faire. Il s'agissait de leur avenir professionnel, de leur gagne-pain. Nous nous sommes même permis de libérer Djebbour pour qu'il se déplace jusqu'en Grèce pour régler son problème. Ce garçon avait besoin d'être rassuré. Il fallait faire ce geste en sa faveur. Malgré un handicap psychologique certain, je trouve qu'il s'en est bien sorti sur le terrain.
N'avez-vous pas été gêné par des présidents de clubs de chez nous en quête de joueurs locaux?
Non mais, comme pour les émigrés, nous ne les avons pas empêchés de rester en contact avec ces présidents. Tout ce qu'on leur a dit, c'était qu'il fallait éviter, pour une question de bienséance, de recevoir ces présidents dans l'hôtel où nous résidions. Les joueurs locaux ont eux aussi leurs soucis professionnels et se doivent de les résoudre. Tout entraîneur a besoin d'un joueur qui soit bien dans sa tête. Celui qui a des problèmes pourrait n'être d'aucune utilité.
Le match retour contre la Gambie a été marqué par l'absence de Nadir Belhadj. Pouvez-vous nous éclairer sur cette surprenante absence?
Nadir Belhadj a disputé les deux premiers matchs en tant que titulaire et à chaque fois il a été parmi les meilleurs. Seulement, psychologiquement, il était perturbé. Son club venait de rétrograder et il était incertain pour son avenir. La faute qu'il a commise le jour du match contre le Libéria et qui lui valu le carton jaune qui devait le priver du match aller contre la Gambie, était due, en quelque sorte, à une forme de dépit. Il a été suspendu et il est parti en France pour régler ses problèmes. Il était prévu qu'il rentre le mercredi précédant le match retour contre la Gambie. A ce moment-là il n'avait toujours pas résolu ses problèmes et il n'est pas venu. Ce n'est pas pour autant que nous allons le condamner. Belhadj est une des valeurs sûres de l'équipe et il a toujours donné le meilleur de lui-même. Ce que je peux dire à son sujet, c'est qu'avec moi comme entraîneur les portes de l'équipe nationale lui sont ouvertes et qu'il peut y revenir.
La prochaine date Fifa est le 20 août. Allez-vous la mettre à profit et contre quel adversaire si match amical il y a?
Nous avons établi un programme de travail sur toute l'année 2008 et même celle de 2009. Mais pour cette année-là, il nous manque de connaître les dates du second tour des qualifications. La date du 20 août 2008 est retenue pour un stage qui aura lieu dans le nord de la France et ce stage sera ponctué d'un match amical contre l'équipe des Emirats arabes unis qui sera elle aussi en stage en France à ce moment-là pour préparer les qualifications asiatiques pour le Mondial. Je vous fais savoir que l'organisateur du match est celui qui organise le stage pour les deux équipes. Cette fois-ci, on peut être sûr qu'on ne sera pas confrontés au problème de stade pour le match.
Un stage en plein été est-ce la bonne formule?
Ecoutez, c'est la Fifa qui a choisi cette date et de nombreuses équipes vont en profiter. Vous savez, en septembre ce sera la période où les championnats viennent tous de débuter. Vous pouvez avoir affaire à ce moment-là, à des joueurs toujours perturbés par leurs affaires de transfert, d'autres qui ne jouent pas. Vous avez besoin de connaître tout cela et je me dois de les entendre de vive voix. Pour ce qui est du stage en été, je me souviens que lors des années 80 avec Rogov et Maouche, nous avions les joueurs en permanence avec nous durant tout l'été. Nous allions souvent dans le nord de l'Europe, notamment en URSS où il faisait plus frais pour préparer les échéances de la sortie de l'été. C'est comme ça que nous avions fait avant le déplacement de Lagos en 1981.
Au début du mois de septembre, l'équipe nationale va recevoir celle du Sénégal dans les mêmes conditions qui prévalaient avant le match contre la Guinée de la CAN 2008 de triste mémoire. Ne craignez-vous pas que le même épisode se reproduise face au Sénégal?
Non, absolument pas. Le match de la Guinée c'était il y a un an. Aujourd'hui, c'est un tout autre contexte. Il ne faut pas mélanger. Chaque match a sa vérité. Aujourd'hui, je ne peux même pas vous dire quels sont les joueurs qui seront sélectionnés pour ce match. Non, ce ne sera pas le même match que contre la Guinée.
Vous dites que vous ne savez même pas quels sont les joueurs qui sont sélectionnés. Cela veut-il dire qu'il faut s'attendre à ce que des nouveaux fassent leur apparition?
Pourquoi pas? Mais d'une manière générale, l'ossature de l'équipe sera maintenue car maintenant, la cohésion semble avoir été trouvée. Maintenant, il reste deux mois et demi avant le rendez-vous contre le Sénégal et nul ne sait ce qui va se passer au début de la prochaine saison. Comme je vous l'ai dit, il se pourrait que des joueurs ne jouent plus avec leurs clubs, d'autres pourraient être blessés. Tout peut arriver d'ici là.
Le jour du match contre la Gambie à Banjul, je vous avais abordé juste après celui-ci. Vous étiez particulièrement peiné et j'avais saisi en vous un certain dépit. Vous m'aviez dit textuellement: «très sincèrement, j'ai bien envie de tout balancer». Qu'est-ce qui vous avait mis tellement en rogne au point d'évoquer une démission?
(Long moment d'hésitation de Saâdane mais il ne nous demande pas d'arrêter notre enregistreur). Ecoutez, je préfère ne pas en parler aujourd'hui. J'attends d'être reçu par le président de la FAF et là je vous en dirai plus.
Apparemment, vous paraissez dégoûté.
Dégoûté? Ce n'est pas le terme. Plutôt désarmé. J'ai l'impression de mener un combat sans arme, c'est bien cela. Il faut que vous sachiez que je voulais partir au mois de mai et j'en avais parlé au président. Seulement, il ne restait qu'un mois pour préparer les 4 échéances du mois de juin et la FAF n'aurait pas eu le temps de trouver un autre entraîneur. Je me suis, donc, attelé à faire de mon mieux pour emmener l'équipe nationale lors de ces quatre matchs. Vous savez, lorsque je suis revenu à la tête de cette équipe, il y avait un problème récurrent qui se posait, à savoir celui des primes dues aux joueurs. J'ai insisté pour qu'il soit le plus rapidement résolu et en faveur des joueurs. Ce dont un entraîneur national a besoin c'est d'avoir des joueurs qui, d'abord, travaillent bien dans leurs clubs respectifs. Je me suis aperçu que des joueurs locaux avaient progressé parce qu'ils se donnent à fond dans leur travail dans ces clubs. Ils veulent progresser et se faire un nom. Ceux qui ont été appelés en équipe A ont vu leur cote monter. C'est très important pour eux et pour leur avenir professionnel.
Le deuxième aspect est que ces joueurs soient rassurés sur le plan financier. Ce qui minait l'équipe nationale c'était cette histoire de primes. Nous sommes, heureusement, parvenus à une solution. C'est une des raisons qui ont fait que ce mois de stage se soit bien passé sur le plan des relations humaines. Les joueurs avaient ce souci en moins, même si celui lié à leur devenir professionnel était entier pour certains. Tenez, durant ce regroupement, vous auriez facilement fait le tri entre ceux qui étaient sereins parce que libérés sur ce qu'ils feront bientôt et ceux chez qui le doute était présent. En tout cas, je me suis donné à fond pour cette équipe. Je l'ai fait parce qu'après tout, c'est l'équipe nationale de mon pays. Je n'ai pas l'impression que tous ont cette notion. Je ne vise pas spécialement la FAF en disant cela. Dans tous les autres pays, l'équipe nationale c'est le porte-drapeau. Si on ne l'aide pas, si on ne lui donne pas les moyens, ce n'est pas la peine de compter sur elle pour qu'elle obtienne de bons résultats. Trouvez-vous normal que l'Algérie, ce si grand pays, ne puisse pas, aujourd'hui, offrir à son équipe nationale un terrain en gazon appréciable. Trouvez normal que depuis 6 mois on n'ait pas changé de gazon au stade du 5-Juillet alors que dans d'autres pays cette opération se fait en trois jours? Et je ne parle pas de centre de regroupement quasi inexistant chez nous. A mon avis, il vaudrait mieux ramener un entraîneur étranger. Peut-être qu'avec lui on se décidera à donner plus d'importance à cette équipe nationale et surtout plus de moyens. L'entraîneur algérien est condamné à rester en rade.
Cette envie de partir vous est-elle imposée par votre cercle familial?
Il y a de tout, même de cela. C'est pénible lorsque vous sortez avec votre épouse et vous êtes abordé n'importe où, à n'importe quel moment. Vous entendez de tout. Moi aussi je suis un être humain et j'ai mes préoccupations. Mais je préfère ne pas trop m'étaler. Comme je vous l'ai dit je vais être reçu par le président et après je vous en dirai plus.


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