«la fusion est une manière de transmettre la tradition autrement», dira le maâlam Hassen Boussou. La salle Ibn Zeydoun a accueilli, lundi dernier, sa première séance de cinéma entrant dans le cadre de la seconde édition du Festival international de la musique gnaouie. Un baptême du feu avec deux projections et un public qui s'est fait rare. Saison estivale oblige, ce n'est peut-être pas la bonne formule, chaleur oblige, les gens préféreraient plutôt le plein air. Une formule à revoir. Pour cette première journée, en tout cas, les présents furent tout de même bienheureux et enchantés de découvrir et sonder enfin les arcanes de cette confrérie des gnawa, pas si connue en Algérie. Celle-ci possède, en effet, plusieurs codes, rites et traditions, loin du folklore teinté du modernisme que l'on connaît, à savoir chèche et karkabou C'est d'abord Les fils de Bilal, transes et métissages chez le gnawa du Maroc, documentaire de 32 minutes (2003) de Julien Raout et Sébastian Pin qui nous est proposé. Juin 2002, une équipe de vidéastes art partent à la trace des Gnawa. Première étape, le Festival Essaouira, très connu. Seconde étape, Tamesloht, au pied de l'Atlas, est le théâtre annuel d'un pèlerinage sacré durant lequel sont organisés les «Lila», rituels thérapeutiques où les malades sont soignés par la musique. Le public plongea ainsi dans des formes plus profondes d'un culte où la musique est érigée en véritable thérapie. Il s'agit bien de rituels qui ont leurs couleurs, du sang de sacrifices, des pratiques de possessions qui pourraient s'apparenter au vaudou...Ce film documentaire, bercé par deux événements musicaux qui pourraient passer pour opposés, conduit le spectateur à une réflexion sur les frontières mouvantes des métissages culturels contemporains. Il parle de changement et d'évolution.. Animant le débat qui a suivi la projection, Hassen Boussou, fils du regretté Hmida Boussou, fera remarquer, à juste titre, à propos de la fusion de la musique gnawa avec d'autres styles musicaux que c'est une manière de transmettre la tradition autrement. «la tradition se perd. Avant, il y avait environ 300 caïds, il n'en reste qu'une centaine. La fusion c'est l'ouverture, la modernité, à condition de ne pas se départir de la base. Car c'est de la tradition qu'on se nourrit.» Le second film projeté est les 7 couleurs de l'univers de Jacques Willemont. Le film rend compte de vingt ans de recherches entreprises par l'ethnologue Viviane Pâques sur la culture des gnawa. Un dialogue singulier s'est établi entre elle et un grand initié, Al Ayachi, comparé à un vrai philosophe par le réalisateur présent à la projection. Le film qui réunit des documents enregistrés entre 1969 et 2004, pose la question essentielle de toute initiation. Qui sait? Quel savoir est transmis et comment est-il transmis?«Car on rentre dans un savoir inconnu qui a été pendant longtemps rejeté. Il ne s'agissait pas de simplifier mais de rendre tangible une science complexe comme l'a étudiée et transmise Viviane...» Ce documentaire, e qui s'apparente à un fouillis d'archives, est un voyage au coeur de la derdeba où «comment l'âme apprend à aller de la vie, à la mort pour revenir à la vie, en passant par les sept couleurs de l'univers». Dommage qu'il faille être un peu brouillon, marqué de beaucoup de lenteurs car il renseigne effectivement sur des traditions africaines, séculaires dont les contours sont difficiles à cerner. Mas c'est peut-être mieux ainsi car n'est pas gnawi qui veut, en dépit du vaste courant de la world music qui l'a fait entrer dans la mondialisation et fait pousser comme des champignons des groupes qui prétendent faire du gnaoui...