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Un tournant dans l'histoire?
Publié dans L'Expression le 13 - 07 - 2008

Le projet de l'Union pour la Méditerranée a le mérite de donner l'occasion de reposer les questions de fond au sujet des relations entre les peuples de la région.
Personne de sensé ne peut refuser le principe du projet de l'Union pour la Méditerranée. Au contraire, c'est une ancienne aspiration des peuples. Le contexte de la mondialisation, avec ses menaces et ses incertitudes, porte les chances d'un monde commun, en particulier autour de la Méditerranée. Il n'y a pas d'autre voie, à moins de ne vouloir que l'isolement et l'affrontement. La recherche d'un nouvel ordre régional et international moins inégalitaire et d'une nouvelle civilisation, qui nous fait défaut, exige un diagnostic sans complaisance et une vision d'avenir.
Les conditions pour ouvrir de nouvelles perspectives ne sont pas données d'avance. Raison de plus pour oeuvrer ensemble, en tenant compte des acquis et des échecs des expériences en ce domaine, afin de ne pas accentuer davantage les doutes et les écarts.
Le projet de l'Union pour la Méditerranée a le mérite de donner l'occasion de reposer les questions de fond au sujet des relations entre les peuples de la région. Le diagnostic est éloquent. La situation reste préoccupante. On doit se rencontrer, débattre dans la franchise pour faire face, de manière cohérente, aux défis communs. La participation de l'Algérie contribue à la mise en place de ce projet. Cependant, le chemin d'une Union, concept ambigu et lourd, sera long.
Au Sud, malgré l'hétérogénéité des pays arabes, leurs atouts et leurs efforts de modernisation, sept points au moins sont des problèmes à solutionner. 1-Le niveau de développement est en asymétrie flagrante avec celui des pays européens. 2-La faiblesse de la bonne gouvernance et l'archaïsme de certains régimes créent des déperditions. 3-Les insuffisances en matière de coopération et d'intégration Sud-Sud fragilisent les fondements. 4-Les sources des revenus sont surtout liées aux richesses du sous-sol, ou dépendantes de facteurs aléatoires. 5-L'analphabétisme, la crise des systèmes éducatifs et la démographie non maîtrisée posent des problèmes de fond. 6-La fuite des cerveaux, l'immigration clandestine et l'exode rural accentuent la paupérisation et la déliaison sociale. 7-Les faiblesses des rapports entre l'Etat et la société et celles du dialogue Nord-Sud, suscitent des réactions négatives. D'un côté, repli et passéisme dans la religion-refuge instrumentalisée, et d'un autre côté, imitation aveugle et aliénante face au modèle occidental en crise. Au Nord, le diagnostic tout autant est marqué par sept autres signes contradictoires.
1-Affaiblissement des aides en direction du Sud, moins de 0,2% des budgets, et investissements de moins de 2% par rapport au volume global. Trois fois moins que les promesses, dix fois moins que ce qui est souhaitable. 2-Politique de discrimination vis-à-vis des populations originaires du Sud, des quartiers défavorisés et d'exclusion des nouveaux migrants. 3-Islamophobie, marquée par des débordements de la xénophobie et des délires médiatiques qui amplifient les dérives de groupes extrémistes et les contradictions des systèmes du Sud.
4-Impuissance ou complicité au sujet des conflits majeurs, comme le drame israélo-palestinien qui prend en otage tout projet de partenariat. 5-Sur le plan historique, refus de reconnaître les faits et les méfaits de l'histoire de la colonisation européenne, notamment de peuplement. 6-Mesures excessivement restrictives en matière de mobilité et de circulation des personnes. 7-Contradictions du système dominant, fondé sur le triptyque: laïcisme outrancier, scientisme déshumanisant, et capitalisme sauvage, qui s'éprouvent en impasses.
Aujourd'hui que les principes de centralité et la dimension stratégique de la Méditerranée sont posés, on ne peut pas se limiter à des projets techniques, comme ceux sélectionnés par la Commission de l'Union européenne, qui semble ramener l'idéal de l'UPM aux thèmes de la dépollution de la mer et aux autoroutes. Malgré l'intérêt de ces secteurs, cela est significatif de la persistance de l'unilatéralisme, qui peut vider de son contenu ce grand projet. Nous aurions espéré que le projet UPM soit celui d'un partenariat entre l'Union européenne et le monde arabe. Le dialogue euro-arabe, mis en oeuvre un certain temps, a été oublié. La cohérence et la visibilité d'une telle «Union» auraient été bien plus grandes. Il n'y aurait eu aucune appréhension, ni celle au sujet de la normalisation prématurée avec Israël, ni celle qui vise à dévier l'adhésion de la Turquie à l'UE, ni enfin celle qui vise à un redéploiement en une région géostratégique au profit des intérêts sécuritaires et économiques d'une seule partie. Ainsi, nous avons l'impression que le concept de Monde arabe, tout comme celui de Maghreb sont évacués. Certes, nous ne sommes pas opposés à une approche globale, mais à condition que l'UE mette en place une sorte d'Osce pour engager un vrai processus de partenariat, de négociations et de règlement des conflits et amener le Quartette, à sa tête les USA, à changer et étudier la proposition de paix, soumise depuis le Sommet arabe de Beyrouth de 2002. Dans tous les cas de figure, la priorité doit être donnée à la démocratisation et à l'humanisation des rapports Nord-Sud pour répondre aux exigences du vivre ensemble. L'histoire des deux rives est à un tournant décisif. L'Algérie, pour sa part, attachée au processus de rapprochement entre les deux rives, assumera, sans doute, sa mission constructive, si les conditions sont réunies.


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