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Un processus donquichottesque
LE SOMMET EURO-MEDITERRANEEN DE BARCELONE
Publié dans L'Expression le 27 - 11 - 2005

«La Méditerranée est un lien et non une frontière.» Fernand Braudel
A l'échelle de la Méditerranée, le processus de Barcelone, à l'oeuvre depuis 1995, vise la constitution d'un espace politique, stratégique, économique et culturel. Ce partenariat euro-méditerranéen est avant tout une étape de cette mondialisation libérale, de la guerre du libéralisme économique contre les droits des citoyens et des peuples. La politique euro-méditerranéenne actuelle ne correspond pas aux aspirations et à la volonté des peuples. Pourtant, une dynamique régionale est bien à créer, la construction de coopérations, avec le développement social pour objectif, est urgente en Méditerranée.
Dans les faits, le partenariat euro-méditerranéen, tel qu'il s'organise, vise à créer, dans une situation de dépendance renforcée, une zone de libre-échange entre les économies des rives sud et est de la Méditerranée et à celle de l'Union européenne, avant 2010. Loin d'offrir des perspectives de développement aux politiques post-indépendance, globalement en échec, il déstabilise et déstructure en profondeur les systèmes économiques et sociaux fragilisés, qui supportent déjà le poids de la dette extérieure, la chute des prix des matières premières, la logique des Plans d'ajustement structurels imposés par le FMI et la Banque mondiale. La solution miracle proposée aux pays du Sud pour atteindre enfin la «prospérité» est aussi à l'oeuvre en Europe; c'est la libéralisation à outrance de leurs économies et le libre-échange généralisé, conformément aux règles de l'OMC: désengagement de l'Etat et privatisation des entreprises et des services publics, réorientation de la production des biens et des services en fonction d'une insertion, en position subordonnée, dans le marché mondial, priorité à l'investissement étranger et liberté totale de circulation des marchandises et des capitaux.
Les pays du Sud sont progressivement remodelés en espaces économiques ouverts et sans protection douanière face aux pays de l'Union européenne. Ceux-là sont tout particulièrement soumis au régime dévastateur des PAS qui, avec la complicité de gouvernants locaux ne disposant souvent d'aucune légitimité populaire, empêchent leur développement en les fragilisant davantage. Les pays arabes bien que plus divisés que jamais ont tenté d'apporter des correctifs au processus, sans succès. De plus, au plan politique, le processus, «n'est pas allé très loin, la situation au Moyen-Orient continue de se détériorer et les espoirs de 95 n'ont pas été atteints». Le parasitage du processus par les « ingérences amicales » des Etats-Unis qui poussent à la reconnaissance d'Israël, les ingérences de l'Otan, sont autant de pressions qui ajoutent à l'opacité.
Un constat d'échec politique et démocratique
Loin de favoriser un développement autonome et respectueux de l'environnement et des hommes, la logique des accords ne peut qu'aboutir à renforcer le fossé existant entre les pays du Nord, disposant d'une industrie puissante et compétitive, et les Etats du Sud, victimes de décennies de colonisation puis de spoliations et de rapports inégaux. Sans protection, une grande partie du tissu industriel de ces Etats est condamné à la liquidation. La restructuration libérale des pays du Sud implique une austérité aggravée, la baisse des salaires, à tous les niveaux de qualification, le développement du chômage et de l'emploi précaire ainsi que la dégradation des conditions de travail. La part mondiale des IDE que reçoivent les pays du Maghreb a baissé de 1,4% à 0,7%. Le Maghreb est une zone peu attractive des investissements étrangers. Les investisseurs espagnols ont investi 30 fois plus en Argentine que dans le Maghreb ces dernières années, sans que l'on puisse dire que l'Argentine soit un exemple de bonne gouvernance ou de performance du secteur financier. M.Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, a sévèrement critiqué le Meda, fonds de soutien financier à la mise à niveau des pays du Sud méditerranéen, selon lui «un plan Marshall à l'envers» parce qu'il sert à mettre les produits européens à la place de l'industrie de nos pays.(1). Enfin, la gestion du programme Meda appelle des critiques quant à son manque de transparence.
L'espace euro-méditerranéen, nous répète-t-on, sera un espace de respect des droits humains et de la démocratie. Mais quel crédit accorder à ces Etats européens, qui, dix années après la signature de la déclaration de Barcelone, continuent de soutenir les régimes les plus autoritaires et les plus répressifs de la région? De plus, le manque de perspectives dans le problème palestinien est, à des degrés divers, une des raisons de l'échec. Par ailleurs, quel crédit peut-on donner à la volonté affirmée de défendre les droits de la personne humaine alors qu'un de ses droits élémentaires, «le droit de circulation», est bafoué en permanence par la forteresse de Schengen? La libre circulation n'est prévue que pour les marchandises et les capitaux, pas pour les femmes et les hommes. De plus, personne n'a demandé leur avis aux populations concernées par le projet euro-méditerranéen, qui, quel que soit l'angle sous lequel on l'aborde, apparaît comme un rapport d'allégeance des pays du Sud à l'Europe.
Pour Nourredine Toualbi, la volonté de «barricadement» économique et culturel de l'Europe est interprétée, dans les subjectivités collectives arabes, comme un réflexe de rejet de l'Autre d'autant plus injuste qu'il est contraire aux valeurs d'humanisme et de tolérance dont la civilisation occidentale se dit être le champion. Gageons, pour faire court, que dans l'imaginaire arabe tout se passe comme si un nouveau mur, celui de Schengen, était venu remplacer celui de Berlin de triste mémoire. La violence symbolique est dans ce cas patente. Le «caractère assignataire» de la mondialisation induit, au niveau de la société et de l'imaginaire arabes, un sentiment de déroute doublement motivé ; à l'angoisse légitime résultant des enjeux strictement économiques et consacrant le triomphe du capitalisme mondial, se superpose une sorte de réflexe atavique de rejet principiel de la «norme occidentale» interprétée comme une force d'hégémonisme. En réaction de défense, le repli dans le particularisme culturel et religieux répond à un réflexe d'acculturation antagoniste favorisant, en dernière instance, un discours d'excommunication de l'altérité culturelle et identitaire véhiculée par le modèle occidental. Il faut donc, pour terminer, rappeler le mot de Fernand Braudel qui disait que «l'avenir ne se prévoit pas, il se prépare. Il se prépare dans le respect bien compris des croyances et de la dignité de l'autre!» (2).
Prévue pour les 27 et 28 novembre prochains à Barcelone, la tenue du sommet euro-méditerranéen vient sanctionner dix ans de mise en oeuvre d'un processus qui, depuis son initiation, bat de l'aile. On sait que la situation au Moyen-Orient est alarmante et que le Premier ministre israélien fait partie des invités. La participation des chefs d'Etat arabes au sommet pourrait être interprétée dans ce cas comme étant un acquiescement de leur part aux exactions israéliennes dans les territoires occupés et une reconnaissance de fait de l'Etat d'Israël, puisqu'ils acceptent de siéger à la même table.
Dans la plus pure tradition coloniale et paternaliste et imbu du fait qu'il détient la «norme», l'Occident européen décide qu'il est le seul producteur de sens et de ce fait, le seul habilité à savoir ce qui est bien pour les pays du Sud. «De ce fait, les pays européens sont le seul maître d'oeuvre puisqu'ils en financent les programmes et en détiennent le pilotage exclusif», estime l'ambassadeur d'Algérie à Bruxelles, Halim Benatallah. Beaucoup a été dit sur le caractère inégalitaire du processus euro-méditerranéen ainsi que sur sa vision strictement européenne. «Il faut reconnaître que du côté des pays de la rive sud de la Méditerranée, l'absence d'une vision consensuelle à ce sujet est flagrante.»(3).
L'Union européenne donne son avis impératif sur la façon dont les populations du Sud doivent être gouvernées. Leur a- t-elle demandé leurs opinions sur l'ouverture de leur économie. Vu du sud, ce processus ressemble bien à une démarche de néocolonisation économique.
Que faut-il faire dans une stratégie de winn-winn (gagnant -gagnant)?
On sait que la présidence britannique soumettra pour adoption au sommet euro-méditerranéen de Barcelone trois textes, à savoir une déclaration politique, un programme de coopération pour cinq ans ainsi qu'un code de conduite sur le terrorisme. Le contenu du projet de déclaration politique véhicule une vision identique à celle ayant prévalu en 1995, à l'initiation du processus Euromed. Le deuxième document devant être soumis aux chefs d'Etat à Barcelone est un programme de travail sur cinq ans. Dont la première ligne directrice est la gouvernance au sens large du terme et la seconde la libération économique. Le programme repose sur les principes de la politique de bon voisinage, le rapport du PNUD sur le monde arabe et l'initiative américaine «le Grand Moyen-Orient». Le troisième document consiste en un code de conduite sur le terrorisme. Rappelons que la conférence des Nations unies en septembre ne s'est toujours pas mise d'accord sur une définition universelle du terrorisme qui ne sacrifie pas les mouvements de libération.
Premier constat, le marché uni du Maghreb est une urgence historique. Philippe Colombani, de l'Institut français des relations extérieures, pense que l'un des scénarii étudié par le scénario d'un développement de la zone Europe, même élargi à l'Est, sans intégration de la zone Maghreb, verrait le poids de l'Europe, aujourd'hui proche des 30% du PIB mondial, descendre à 12% en 2050. En gros, à cause d'une courbe démographique défavorable. L'Europe a intérêt à se rajeunir. Un scénario où l'Europe pèserait encore 20% du PIB mondial en 2050 intègre cela: il faudra, entre autres conditions, aider le Maghreb, future source de compensation de la dénatalité européenne, «à assurer une croissance forte en élevant énergiquement la productivité du travail de ses entreprises». Voilà les destins scellés entre les deux rives de la Méditerranée ouest. Le Nord aura besoin de travailleurs et pas seulement de la spoliation des diplômés du Sud et de dynamisme natal, le Sud de capitaux et de savoirs techniques.
La mondialisation dite libérale accélère la marchandisation du monde au profit des pays du Nord et confisque la citoyenneté et la souveraineté des peuples et des Etats du Sud. Elle aggrave l'insécurité économique et les inégalités sociales au sud et creuse davantage le fossé qui sépare les pays riches des pays pauvres. Ceux-là sont tout particulièrement soumis au régime dévastateur des politiques d'ajustement structurel qui empêchent leur développement en les fragilisant davantage et en aggravant leur dépendance aux pôles économiques dominants du Nord.
A cette Méditerranée basée sur l'inégalité, l'injustice et le non-droit, nous opposons une autre Méditerranée; une Méditerranée citoyenne, démocratique, sociale, solidaire et respectueuse de l'environnement. Le projet méditerranéen doit être basé sur une véritable logique de coopération qui soit profitable à tous les peuples de la région. Il s'agit de combler le fossé entre les deux rives, au besoin par des mesures inégales en faveur des peuples du Sud qui permettent à terme d'harmoniser vers le haut les conditions de vie et de travail de l'ensemble des peuples méditerranéens. La Méditerranée que nous voulons, sera construite pour répondre aux besoins sociaux, politiques, éducatifs et culturels des peuples et non pas à des contraintes prétendument fatales du marché.(4).
Au sud, des atouts existent pour échapper aux maux que sont misère, chômage massif, analphabétisme, violences, conflits, intégrismes, concurrence, délocalisations, exclusion, racisme et inégalités. D'ores et déjà, les pays européens devraient mettre en oeuvre leurs engagements de consacrer 0,7% de leur PIB à l'aide publique au développement. «L'Europe doit reconnaître les entités présentes autour de la Méditerranée, en particulier les peuples arabes, et traiter avec eux sur un pied d'égalité. Les peuples doivent pouvoir disposer d'eux-mêmes et choisir leur avenir.» Ils doivent pouvoir décider démocratiquement du type de relations qu'ils veulent développer avec les autres peuples de la région méditerranéenne. Au forum qui s'est tenu récemment en Espagne, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, intervenant à l'occasion, a affirmé l'importance qu'il accorde à la région. «J'espère que ce sera le Maghreb émergent. Le Maghreb est un espace politique et économique ayant un intérêt important pour l'Espagne» «Il est urgent que la croissance atteigne 7 à 8% pour qu'il n'y ait pas de tensions sociales et plus de pressions migratoires qui ont un impact sur les politiques.»(5).
La Méditerranée que nous voulons, c'est véritablement la «mare nostrum» des Anciens, un lac de paix où il n'y aura pas de suprématie, une région où nous ne verrons plus les épaves de Lampédusa ou les miradors du Sive espagnol en train de traquer les «pateras» des candidats à l'exil, véritables «damnés de la terre». Une Méditerranée qui est le creuset d'une histoire commune. Les hommes politiques devraient revenir à plus de sagesse et comprendre, enfin, que ce qui peut sauver les hommes c'est l'éducation, le savoir, l'acculturation. Gageons qu'à Barcelone, on puisse parler d'une université méditerranéenne de la connaissance. C'est une utopie, nous y croyons.
* Ecole nationale polytechnique
1. Le Quotidien d'Oran - 1er Octobre 2003
2.Noureddine Toualbi-Thaâlibi: Le dialogue euro-arabe entre humanisme et pragmatisme, L'Expression 09-06-2005
3.Ghania Oukazi, Le quotidien d'Oran 9-10-2005.
4.Jean Paul Garagnon : Marcel Siguret Groupe Méditerranée d'Attac, Méditerranée solidaire(s), 17 novembre 2000.
5.Ali Benyahia, El Watan 06-06-2005


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