Le génie existe, mais à travers une terminologie plus détachée, plus personnelle que jamais. Les journées de la danse, qu'a accueillies dernièrement le TNA, ont permis à une certaine classe d'artistes, peu connue jusque-là, de se faire admettre comme étant la tendance majeure de l'expression corporelle en Algérie. La première journée de la manifestation a réuni près d'une vingtaine de directeurs de site français, venus s'enquérir des produits qu'ils seront amenés à passer sur les planches pour l'Année de l'Algérie en France. Elle a été totalement consacrée à ces formations d'un nouveau genre. «Intéressantes», diront les plus avares en éloges; mais devant le désert artistique qui touche les différents volets de l'art, un sourire de satisfaction serait plus honnête. Marginaux, rarement encadrés dans des offices statutaires, de jeunes gens, nourris d'une vision plus intime du corps comme moyen d'expression, se conglomèrent au gré des hasards et détonnent. Des noms comme Kadour Nourredine et Sliman Habess, que nous avons rencontrés trop brièvement aux alentours du TNA au deuxième jour de la manifestation, ont fait impression ; les échos émanant du groupe d'acquéreurs de spectacles sont encourageants. Sliman Habess, concepteur de trois spectacles Pour ailes, Les cents abris et Regards, a été très productif. Il a partagé la première journée avec Nacéra Balaza pour Paris-Alger et Kaddour Nourredine pour EL-Kantara. Danseur, mais surtout chorégraphe, il a réussi à rassembler autour de lui des jeunes à fleur de corps et à s'attribuer le consensus d'éléments humains. Parce que la danse contemporaine, c'est surtout ça. Sinon, comment expliquer que Samah, Yasmine et Khadidja, qui ont joué dans ces trois pièces, soient à même d'argumenter des expressions qui leur sont pourtant «assignées». Habess est même arrivé à renforcer sa formation avec six éléments, des jeunes hommes choisis à l'issue d'une audition à Batna. Tout comme Kaddour Nourredine, il est un produit dérivé de l'Institut National des arts dramatiques et chorégraphiques de Bordj EL-Kiffan. Contemporaine, savante, la pièce chorégraphique, c'est d'abord un récit. C'est la conscience de cet élément clé de la représentation qui anime les oeuvres. Le formalisme classique, même s'il demeure un pourvoyeur non négligeable en rudiments de la discipline, prend les allures d'antithèse, face à l'essence convulsive, profondément conflictuelle et émotionnelle de cette génération qui a perdu ses attaches avec le cérémonieux. Le génie existe, mais à travers une terminologie plus détachée, plus personnelle que jamais. L'Année de l'Algérie en France a permis à ces gens de peser, de dire que l'expression corporelle n'est pas le produit d'institutions, mais de création. Une nouvelle ère doit balayer des structures noyées dans leur structuralité pour donner à ceux qui ont soif de produire, de dire et qui ont toutes les chances de se faire entendre. La naissance d'une aire de communication que partagera l'auteur avec ses auditeurs ne peut se faire qu'à ce prix.