Tout porte à croire que l'Algérie a «traité» avec l'UPM et obtenu ce qu'elle voulait avant même que ne se tienne le Sommet. On a toujours su que Sarkozy est un homme politique hyperactif. Il confirme cette caractéristique avec le rythme infernal qu'il s'impose en organisant simultanément deux super-événements à Paris. Le Sommet de l'Union pour la Méditerranée qui réunit pas moins d'une quarantaine de dirigeants et, l'occasion aidant, les garder jusqu'au lendemain pour les avoir à la tribune officielle lors du défilé du 14 Juillet. Hyperactif certes, sans cependant se laisser déborder par les innombrables problèmes que ramènent dans leurs bagages tous les chefs d'Etat et de gouvernement invités. Pour ce faire, il privilégie les dossiers par l'importance qu'il leur accorde. Alors que lors des tractations préliminaires, tout son entourage en charge du Sommet mettait l'accent sur les problèmes de dépollution de la Méditerranée, de partenariat pour un développement durable entre le Nord et le Sud, d'immigration et bien d'autres problèmes très généreux pour la condition humaine. Tout cela semble être mis au placard, mieux semble avoir été le «su-sucre» pour attirer le plus de participants. Les choses sérieuses, abordées hier lors du Sommet, sont restées axées sur le conflit du Moyen-Orient. Ainsi donc, Sarkozy a remis en selle, sur la scène internationale la Syrie. En contrepartie, Bachar Al Assad a promis d'ouvrir une représentation diplomatique au Liban qui fera de même à Damas. Sarkozy a poussé plus loin en demandant au dirigeant syrien d'aller vers des négociations directes avec Israël au lieu de continuer à se servir de l'intermédiation turque. Pas seulement puisque le président français demande à la partie syrienne de joindre ses efforts à la communauté internationale dans le nucléaire iranien. Bachar Al Assad, excédé, a eu ce mot: «Sarkozy m'en demande trop.» A part le souci de régler un maximum de problèmes au profit d'Israël, le Sommet «oublie» les autres conflits que vivent les pays méditerranéens. Même le président chypriote réclame plus d'attention de l'UPM sur le conflit latent qui divise l'île. Pas un mot non plus sur le problème du Sahara occidental, ce qui explique, selon certains observateurs, l'absence du roi du Maroc. Pas un mot, non plus, sur la lutte commune contre le terrorisme, comme cela avait été annoncé tout au long des préparatifs. De libre circulation des personnes. D'aide au développement des pays du Sud. A tel point qu'il est plus instructif et utile d'observer les problèmes éludés que ceux abordés par le Sommet. D'autres interrogations se posent: comment et en vertu de quoi la présidence du Sommet est revenue à Sarkozy et Moubarak? Pour Sarkozy, cela pourrait s'expliquer par la faveur habituellement accordée au pays hôte. Pour Moubarak, certains avancent non sans une pointe d'ironie, qu'il est le dirigeant du seul pays arabe à avoir conclu un accord de paix avec Israël. Quelle est la durée de leur «mandat»? Dans quel ordre se fera cette coprésidence tournante. Que des questions sans réponse. Même la décision du siège de l'Union est différée. Celui du secrétariat général aussi ainsi que les prérogatives qui seront les siennes. Les discours anémiques faits par les 40 chefs d'Etat qui se partagent les 180 minutes qu'a duré la réunion au Sommet hier après-midi, n'ont pas dépassé les généralités. La naissance de l'UPM à Paris risque de ne revêtir l'aspect historique que pour la France. Que pour Sarkozy. L'événement a, en effet, lieu alors que la France assure pour les six prochains mois la présidence de l'Union européenne. Que les Etats-Unis sont trop occupés par les élections présidentielles prévues en novembre prochain et sont donc obligés de délaisser quelque peu la scène internationale. Autant de paramètres qui favorisent «l'intrusion» de Sarkozy qui saute sur l'occasion pour jouer au grand «timonier». Un rôle dont on ne sait trop s'il réglera durablement les événements qui secouent la région, mais qui confère, malgré tout, au président français une certaine liberté de mouvement. D'un relatif poids également. C'est en quoi les garanties qu'il a données au Président Bouteflika au Japon ont tout pour être crédibles. C'est aussi l'explication du rôle peu engageant que se donne, ici à Paris, la délégation algérienne. Tout porte à croire que l'Algérie a «traité» avec l'UPM et obtenu ce qu'elle voulait avant même que ne se tienne le Sommet. Il faut savoir aussi que le président français n'hésite pas, à certaines occasions, de promettre des choses qu'il ne parviendra pas forcément à tenir. Comme le pouvoir d'achat promis aux Français, lors de sa campagne électorale, qui s'avère impossible au président français de maîtriser. Cela pour dire qu'il faut toujours être prudent devant les généreuses promesses du président français dont on se demande s'il a réellement le temps de réfléchir tant il est en perpétuelle action. Un président qui carbure à 100 à l'heure. Qui n'a pas le temps de se poser. En définitive, le Sommet qui s'est tenu hier à Paris pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Les effets d'annonce peuvent-ils être conciliables avec des solutions durables qu'attend la région? C'est un véritable show très sarkozien auquel nous avons assisté hier à Paris. La fête continue aujourd'hui. Cette fois pour le 14 Juillet. Une fête franco-française que Sarkozy veut «internationaliser».