La guerre du sprint entre les Etats-Unis et la Jamaïque, des doublés possibles en demi-fond et, au-dessus de tout, l'attente paroxystique de la Chine pour son champion du 110 m haies, Liu Xiang, composent les thèmes majeurs du programme d'athlétisme aux JO de Pékin. Les descendants d'esclaves de Jamaïque avaient fait irruption dans le concert olympique en dominant les épreuves de sprint court et long aux JO de Londres, en 1948, un passeport pour une île qui n'avait pas encore accédé à l'indépendance. La nation du reggae avait, au cours des décennies, nourri la tradition, en produisant de grands talents comme Lennox Miller, Don Quarrie et Merlene Ottey. Cette fois, elle affiche une densité incroyable pour un pays d'à peine 3 millions d'habitants, preuve que l'athlétisme, universel, par nature, est essentiellement un sport régional dans son expression élitiste. Jamaïca. La terre du bois et de l'eau est plus que jamais celle des pur-sang formés dans les Colleges locaux et qu'on lâche sur des pistes synthétiques. A Kingston, on envisage sereinement un doublé sur la distance reine du 100 m avec Usain Bolt, le nouveau détenteur du record du monde (9.72), et Asafa Powell, son prédécesseur su les tablettes planétaires. Certes, la grande Amérique n'est pas dépourvue dans ce combat de titans avec le triple champion du monde (100/200/relais 4x100 m) Tyson Gay et la libellule Allyson Felix (200 m). Mais c'est bien la fin de l'arrogance américaine qui n'avait plus de limites depuis la disparition des sprinteurs scientifiques des pays de l'Est. Les Stars and Stipes auront d'ailleurs intérêt à soigner leur passage lors des relais du tour de piste s'ils ne veulent pas subir la loi d'équipe des athlètes au maillot Jaune et Vert. D'une région à l'autre, l'Afrique de l'Est et des Hauts-Plateaux reste le royaume de l'aérobie. Les Ethiopiens Kenenisa Bekele et Tirunesh Dibaba ambitionnent de doubler avec succès 5000 et 10.000 m. Bekele avait échoué en 2004 et les conditions extrêmes de Pékin (chaleur humide et pollution) constituent un frein supplémentaire à son désir d'égaler son compatriote, le soldat Miruts Yifter (Moscou 1980). De plus, comme à Athènes, où le Marocain Hicham El Guerrouj avait remporté 1500 et 5000 m, Bekele est confronté en Chine à un pari du même genre tenté par l'Américain (d'origine kényane) Bernard Lagat. Sur la route d'un doublé jamais réussi chez les dames -les longues distances leur ayant été longtemps interdites-, Tirunesh Dibaba n'a qu'une seule adversaire, mais de taille: sa compatriote Meseret Defar, championne olympique en titre du 5000 m, comme elle, dotée d'un dernier tour de feu. Mais l'Afrique c'est encore et toujours le Kenya tout-terrain, performant du demi-fond court au marathon, et l'arrivée du Soudan avec la force et l'insouciance des 19 ans d'Abubaker Kamis, l'épouvantail du 800 m. Retour à la Vieille Europe où les dames russes exprimeront leurs forces en demi-fond, avec Yelena Soboleva, notamment et plus encore dans les concours, à l'exemple de la perchiste Yelena Isinbayeva. A la hauteur, la Croate Blanka Vlasic, perchée sur des jambes interminables, paraît inaccessible. A l'inverse, dans plusieurs disciplines, l'incertitude est de mise. Au triple saut messieurs et à la longueur dames, les duels se décideront probablement au dernier essai. La 45e de la 21e heure du 21 août, alors que les finalistes du 110 m haies attendront, accroupis, le coup de feu qui emmènera un seul concurrent au paradis. Ils espèrent que ce sera encore le héros national, Liu Xiang, champion olympique et du monde. Mais le doute s'est insinué. «L'homme volant», dont l'image est partout à Pékin, ne serait pas au mieux physiquement, perturbé, en outre, par l'insoutenable pression.