Lorsqu'il a décidé de mettre le pied à l'étrier, Ali Oubelil, gérant des éditions L'Odyssée, ne savait pas qu'il allait «s'enfoncer» dans l'un des métiers qui comportent le plus de risques commerciaux. Il prend le risque. Mais avance doucement. Après plusieurs années dans le métier, il a édité à peine une vingtaine de livres. Mais il a réussi au moins deux exploits. D'abord, il édite à son compte les ouvrages en question. C'est-à-dire, contrairement à plusieurs autres éditeurs, c'est lui qui prend en charge financièrement la totalité des frais d'impression et de correction du livre. Il a aussi réussi la prouesse de n'éditer que des livres de qualité. Il dit qu'il ne le fait pas de façon délibérée mais en jetant un coup d'oeil sur les livres qu'il a publiés, on constate que la majorité écrasante a trait, soit à la culture berbère soit à la Kabylie. D'autres sont écrits carrément en tamazight à l'instar du nouveau recueil de nouvelles de Salem Zénia. Les éditions L'Odyssée ont publié, au tout début, un roman du journaliste Rachid Si Ahmed, intitulé Tanekra, un autre roman de Shamy, un ancien du groupe Abranis, La fiancée du soleil, un recueil de poésie kabyle-français de Boualem Rabia, etc. La stratégie suivie par le patron de cette maison d'édition qui était petite et commence à devenir grande, se résume en un mot: la patience. Pour parer aux problèmes financiers que risque d'engendrer un processus d'édition lent, Ali Oubelil s'est investi dans la diffusion du livre. Et plus récemment, il a ouvert une librairie du côté de l'ancien cinéma Djurdjura et à une centaine de mètres de l'une des deux ex-librairies de la défunte Sned (Société nationale de l'édition de livres). La librairie est spacieuse. En quelques mois d'existence, elle a réussi à conquérir une clientèle importante et fidèle. C'est le seul éditeur à Tizi Ouzou à avoir, en parallèle, une librairie. Pour promouvoir les livres qu'il produits, Ali Oubelil prend part régulièrement aux Salons du livre qui se tiennent à Alger, y compris le Salon international. La deuxième maison d'édition ayant pignon sur rue dans la wilaya de Tizi Ouzou, c'est El Amel. C'est la boîte qui détient le record en nombre de livres publiés: bientôt 500. Au départ, l'ambition de M.Si Youcef était modérée. Enseignant pendant des années, amoureux du livre, il a décidé de se jeter dans une aventure commerciale, mais pas n'importe laquelle. Celle qui le maintiendra en contact permanent avec sa vocation d'enseignant. Le livre est le meilleur créneau pour ce faire, avait-il jugé. Il s'installe à la Nouvelle-Ville dans un grand local. Petit à petit, les étals se remplissent. Il fait aussi la distribution de livres afin de renflouer les caisses. Des libraires des quatre coins de la wilaya, viennent chaque jour pour s'approvisionner. Le projet s'élargit. La maison d'édition El Amel, étant la première à Tizi Ouzou, est prise d'assaut par les auteurs en herbe, dans les quatre langues: berbère, arabe, français et anglais. Pour Si Youcef, cette affluence est un signe de réussite. Mais comment faire face à un tel afflux d'auteurs quand on sait que la moyenne du prix d'impression d'un livre est de 20 millions de centimes? Si Youcef trouve la parade. Quand il s'agit d'un livre accepté par sa commission de lecture, composée par des professeurs d'université, il prend entièrement en charge la publication. D'autres livres sont financés à moitié tandis que pour la troisième catégorie, il échoit à l'auteur de s'occuper de la totalité du prix d'impression. La maison d'édition assure, en revanche, la correction et la distribution dans plusieurs wilayas d'Algérie. La maison d'édition El Amel peut même s'enorgueillir d'avoir édité des livres qui peuvent, toute proportion gardée, être classés dans la catégorie des best-sellers locaux à l'instar des Mémoires du maquisard Salah Mekacher. Le livre a été réédité plus de deux fois. Un véritable exploit quand on n'ignore pas que le tirage moyen des livres en Algérie est de l'ordre de 500 exemplaires. Tout comme son confrère de L'Odyssée, Le responsable des éditions El Amel est présent dans la majorité des Salons de livres. La troisième expérience dans le domaine de l'édition du livre dans la wilaya de Tizi Ouzou est originale dès lors qu'il s'agit d'un projet qui entre dans le cadre de l'Ansej. Comme tout jeune de son âge, en proie au chômage, Hamid Mezaoui a frappé aux portes de l'Ansej (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes). Il avait déjà publié un livre en berbère sur le poète Cheikh Mohand Ou Lhocine. Sa qualité d'auteur lui a facilité l'obtention du financement de son projet. Un local à l'ex-galerie de Tizi Ouzou, un véhicule et du matériel informatique. Tout ce qu'il faut pour lancer une maison d'édition. Il manquait juste la volonté que Hamid Mouzaoui puisera dans sa détermination à réussir. Pour ce faire, il cherche un partenaire. Il le trouve en la personne de Mohand Boukhtouche qui manie la langue de Molière et qui a la passion de lire. La tâche de ce dernier consiste en la lecture des manuscrits et en leur correction. Il la mène à merveille. Il déniche des romans intéressants d'auteurs résidants dans la wilaya et n'ayant jamais publié. La maison d'édition Le Savoir a édité plusieurs romans comme Les Montagnes de la douleur de Rabah Toumert. Ce livre romancé raconte la Kabylie d'antan. D'autres écrivains ont émargé chez Le Savoir comme Saïd Mecherri, Ali Bouaziz, Mohand Ou Ramdane Larab et tant d'autres. Aujourd'hui, Le Savoir fait partie des maisons d'édition les plus prolifiques. Même s'il s'agit d'un métier difficile, avoue le gérant Hamid Mezaoui, l'exercer permet de tirer une immense satisfaction morale à chaque fois qu'un livre est publié.