Il suffit que le taux de participation atteigne les 7% pour que le scrutin soit validé. De sources bien informées, on apprend que l'écrasante majorité de la population en Kabylie ne compte pas voter, non pas seulement à cause des mots d'ordre des partis implantés dans la région et des ârchs, mais, aussi parce qu'aucun parti n'y serait désormais crédible et qu'aucun candidat n'ose y entamer sa campagne. L'on apprend même qu'aucune demande n'a jusque-là été reçue pour la réservation des sites destinés à la campagne électorale. Il n'en demeure pas moins, apprend-on de même source, que si le taux de 7% de participation est atteint, le scrutin sera validé et la Kabylie aura malgré tout voté. Ce taux serait largement atteint grâce aux corps constitués présents en forte concentration dans la région dans le cadre de l'opération qui se déroule présentement à Sidi-Ali Bounab. Nos sources n'en ajoutent pas moins que les policiers et les gardes communaux pourraient fort bien suivre le mot d'ordre de boycott puisqu'en 97 leur vote était allé en faveur du FFS et du RCD. Face à cette confusion quasi systématique, seuls les islamistes sont parfaitement organisés. Ils prévoient, nous dit-on, de faire le plein en amenant tous leurs militants et sympathisants à aller voter. Le risque vient de là. Des affrontements entre les islamistes et les très nombreux partisans du boycott et du rejet, eux non plus, ne sont pas exclus. Il y a, en Kabylie, plus de 500 bureaux de vote. Une armée entière n'arriverait pas à les protéger efficacement. Ainsi, si la Kabylie ne bascule pas artificiellement dans les bras des intégristes, elle pourrait fort bien se trouver prise dans un conflit civil entre islamistes et démocrates républicains avec des conséquences que l'on ose à peine imaginer. Nos sources ajoutent que devant une région entière acquise au boycott, l'organisation sans failles de la mouvance islamiste, qui arrive à mobiliser tous ses militants et sympathisants et une montée en puissance des intégristes, quoique toute relative, sont de plus en plus envisagées dans une région connue pour être totalement acquise aux thèses démocratiques et républicaines. Ce phénomène, en gros, ressemblerait à la déferlante du FIS de 89 et 90 à cause des fort taux d'abstention. Il est aussi pareils à l'arrivée au second tour de la présidentielle française du leader de l'extrême droite. Si un pareil scénario venait à se produire, il ne fait aucun doute que la région deviendrait l'otage de députés ne la représentant pas du tout. Cela d'une part. D'autre part, une pareille éventualité ne fait que conforter la thèse du péril islamiste généré par des législatives organisées en pareille période. Des sources sûres et concordantes affirment que la campagne électorale n'y a même pas démarré. Les candidats, craignant pour leur intégrité physique et pour leur famille, n'osent même pas se déclarer ouvertement. Le peu de citoyens désirant voter ne peuvent même pas savoir pour qui ils pourraient le faire. La situation est telle que même les autorités locales n'ont pas automatiquement accès aux listes des candidats. Aucun panneau d'affichage, en outre, n'a été mis en place. La crainte semble tellement sérieuse qu'on apprend de même source que le principal instigateur de la seule liste indépendante de Tizi Ouzou n'a rien trouvé de mieux à faire que de se présenter à Boumerdès. Pour ce qui est de l'encadrement, la situation est encore pire, nous dit-on encore. En dépit des offres alléchantes lancées par le pouvoir, 3000 dinars pour 24 heures de travail, et du chômage qui fait rage dans la région, très peu de citoyens ont osé présenter leur candidature. De surcroît, même les employés des administrations, pouvant être automatiquement réquisitionnés selon les termes de la loi organique portant régime électoral, refusent en grande majorité de répondre à ces réquisitions quitte, ce faisant, à se faire radier de leurs fonctions. Ce sont surtout les cadres communaux qui constituent le fer de lance de cette véritable désobéissance civile, pour reprendre les termes du parti de Hocine Aït-Ahmed. De mêmes sources, on apprend qu'en désespoir de cause, les autorités auraient fait appel aux patriotes pour tenter de compléter les effectifs en charge de l'organisation du scrutin. Il semble que très peu d'entre eux aient accepté de répondre à cet appel pour des raisons faciles à deviner. En outre, la semi-clandestinité des candidats empêche l'application de l'article de loi censé interdire aux parents de ces derniers de prendre part à l'organisation du scrutin. L'on nous dit même que des responsables, en désespoir de cause, auraient volontairement fermé les yeux sur certains abus de ce genre en faveur des islamistes, seules personnes volontaires dans la région. Le risque de fraude, même lui, n'est donc pas écarté. Il profiterait, comme de juste, à la mouvance intégriste. La loi, prévoyant que les listes des candidats et des organisateurs soient affichées au niveau des APC afin que toute objection puisse être formulée dans des délais raisonnables par les candidats ou les partis en lice, n'a même pas pu être appliquée. Du côté des APC, la situation n'est guère plus brillante. Les élus, en grande partie issus des rangs du FFS et du RCD, ne font rien en faveur de la réussite de ce rendez-vous électoral. Dans le meilleur des cas, ils ne s'opposent pas aux préparatifs, et dans le pire, ils refusent purement et simplement de mettre les moyens de la commune au service des agents en charge de ce dossier et de libérer les agents réquisitionnés par les daïras et les wilayas à cet effet. Reste à dire qu'un miracle de dernière minute n'est pas à écarter systématiquement. Des partis comme le FLN et le RND, qui n'ont pas encore dit leur dernier mot, ont toutes les chances de renverser la vapeur en faveur du camp anti-islamiste.