Ils seraient encore au moins 350 terroristes armés entre Médéa et Maghnia. Nouvelle reconfiguration des groupes armés à l'Ouest. L'atomisation du GIA a permis la création de nouveaux groupes quasi autonomes, et aussi peu connus qu'incontrôlables. Boughzoul, Chehbounia, Hassi F'doul, Ksar Chellala. Nous voilà, à 250 kilomètres d'Alger, dans la ville qui connut le plus grand nombre d'assassinats depuis le début de l'année: 36 morts en une semaine... Ksar Chellala, ville anachronique, hors du contexte, qui semble s'être arrêtée avant 1954. Ville symbole aussi, ville paria à redéfinir, à reconstruire. Pour avoir été la capitale du messalisme, elle a été abandonnée de 1962 à ce jour. Tout ce que les autorités locales ont construit pour la ville se résume à cela : un centre de détention, et un... cimetière, «très décent», à Sidi Betka. Justement le quartier de Chebaïki, où a eu lieu l'attaque terroriste, qui a fait vingt morts, le 1er mai dernier, se situe plus haut, entre le cimetière et les monts rocailleux environnants, dans un lit d'oued asséché. C'est une sorte de taudis misérable où l'indigence sociale n'a d'égale que l'irresponsabilité des élus locaux. On y mange encore du pain rassis à l'eau, et on s'y chauffe au feu de bois. Comme au bon vieux temps des troglodytes! Un bon «vivier» aussi pour les terroristes à venir... Selon nos informations, cela faisait plusieurs semaines que des mouvements suspects étaient signalés par les nomades du coin. Les seize personnes tuées le 24 avril à Zmalat El-Amir Abdelkader ont, peut-être, été liquidées pour avoir été des témoins de ces déplacements nocturnes. Zmalat El-Amir Abdelkader est située à 7 km à l'Est de Ksar Chellala. C'est une petite bourgade où le sol rocailleux alterne avec les terres sablonneuses. Par intermittence, des touffes de chih et de ghtaya apparaissent çà et là. C'est cette herbe aromatique et médicamenteuse, qui fait la renommée du bétail de la région. Hassi F'doul, le marché hebdomadaire local, attire une foule nombreuse. On y vient de partout, même des wilayas limitrophes. Le cheptel est abondant et les mouwaline, riches propriétaires terriens et de bétail, viennent, des millions de dinars dans des sacs en plastique, y faire des transactions commerciales. En termes clairs, il y a là, tout ce qui peut attirer un groupe armé rabougri par le déplacement, la faim et les traques dont il fait l'objet. Bien que controversé, décrié, parfois haï par ses lieutenants et ses chefs de katibate, Zouabri n'en constituait pas moins un émir, peut-être le dernier émir «important» du GIA. Son remplaçant, Ouakal Rachid Abou Tourab, avec sa quarantaine d'hommes, n'a plus désormais ni les moyens, ni les hommes, ni même les signes d'un émir. Khemis Miliana constitue ses limites extrêmes vers l'ouest. Au-delà, c'est un véritable «patchwork terroriste». Dans Tiaret et les wilayas limitrophes, Relizane, Saïda, Tissemsilt, Djelfa, El-Bayadh, Chlef et Mascara, c'est le no man's land. Bien qu'hégémonique à partir de Tiaret jusqu'à Tlemcen et Maghnia, la Djamaât houmat ed-Daâwa es-Salafiya (DHDS) doit aussi compter sur la présence de la Djamaât es-Salafiya el Moukatila, les incursions du Gspc de Abdelkader Saouane, qui, à partir de Derrag, fait de longs périples dans l'Ouest, les groupes autonomes séparatistes du GIA, les anciens de Ansar Essouna Essalafiya, les deux ou trois groupuscules qui ont fait allégeance au Gspc, et d'autres sous-groupes «privés», qui mènent la guérilla à leur manière, en faisant des va-et-vient entre le théologique, le politique, le gangstérisme et le brigandage de grands chemins.