Bien avant la mort de Antar Zouabri, on savait que le GIA était en phase terminale de sa lente désagrégation. Après les contorsions du 7 février dernier, cette organisation s'est figée à jamais dans une position de mourant. Si aujourd'hui, on compte de nouveau les morts, c'est parce qu'il existe une ou plusieurs mutations qui ont touché les groupes armés. Qui peut encore aujourd'hui imputer la mort des quatre passagers, tués dans un faux barrage avant-hier à Chlef, au GIA, et spécialement au GIA? Qui peut parier un dinar que les trois islamistes tués avant-hier à Constantine sont des éléments du Gspc? Qui veut encore insister sur la nature de ces groupes (en fait des poignées d'hommes) dénommés houmat Ed-daâwa Es-Salafia, el-Ahoual ou encore El-Gamaâ es-salafia el-mouqatila? Cette dernière organisation armée, sortie d'on ne sait où, serait, dit-on, à mi-chemin entre le GIA et le Gspc, c'est-à-dire qu'elle exploite un fonds commun à ces deux organisations dont elle tire sa stratégie. Le Centre et l'Est étant connus, depuis fort longtemps, comme étant les fiefs des GIA (Blida, Khemis Miliana, Chréa, Médéa et le pourtour du massif blidéen) et du Gspc (la Kabylie et les wilayas limitrophes), c'est l'Ouest qui reste, à ce jour, la grande inconnue. On y avait placé, tour à tour, le GIA, l'AIS, El-Ahoual et les HDS. Aujourd'hui encore l'émergence du GSC entre Bel Abbes et Maghnia laisse perplexe. On y cite des noms, on y dresse une topologie, on délimite son «aire d'activité» et on se prête au jeu des définitions avec une précision qui en dit long sur la facilité avec laquelle ce genre d'informations est traité. Pour contourner cette difficulté, il serait judicieux de parler de groupes armés «privés». Cette appellation mérite explication. Aujourd'hui, à la faveur d'un flou terroriste énorme et des retombées induites par les événements du 11 septembre 2001, beaucoup d'organisations se sont désagrégées sous la poussée des militaires qui, par des ratissages continus, ont grignoté peu à peu les anciens sanctuaires des GIA et du Gspc. Sur les décombres de ces deux organisations, plusieurs groupes armés ont pris naissance. Mais, attention, ici, nous ne sommes pas en face d'organisations hiérarchisées, formées, formatées et structurées, mais bien en présence de groupes d'entre dix et trente éléments armés, cultivant le «mouvement perpétuel», dans un axe d'activité assez vaste pour permettre toutes les mutations salvatrices, dans un contexte devenu de plus en plus hostile. Ces groupes sont, dans la majorité des cas, sous-tendus par l'idéologie d'origine, qui a consisté, dans une première étape théorique, en l'excommunication la société impie, puis, dans une seconde étape, en la perpétration sur elle de massacres et d'attentats, comme ils continuent, à ce jour, à le faire. Toutefois, nous pouvons aussi être en face de groupes à cheval entre le terrorisme et le gangstérisme. La notion de «gangsterrorisme» a été créditée par les spécialistes occidentaux de la criminalité, d'un avenir certain. Aussi, certains groupes peuvent agir comme des organisations armées, procédant à des massacres collectifs ou individuels et dressant des faux barrages à la nuit tombée. Le but, ici, diffère. Ce sont les biens mobiliers et immobiliers, qui sont visés, mais aussi l'argent, l'or et l'élimination physique de personnes compromettantes. Ces «commandos itinérants» (comme les a surnommés «Zarta») peuvent aussi agir à la solde et devenir, de fait, des brigands à la petite semaine, aptes à se métamorphoser, pour faire diversion, en terroristes irréductibles. Ce gain qui se profile à l'horizon, et cette masse ébouriffante de biens gagnés en quelques mois, font que certains groupes armés fonctionnent comme des entreprises privées. Et on n'a pas tout vu...