La bossa nova a révélé au monde que la chanson brésilienne ne se limitait pas à l'exotisme et aux rythmes de Carmen Miranda. La bossa nova, métissage de samba et de jazz, qui doit sa renommée mondiale à la chanson Garota de Ipanema, fête ses 50 ans avec des concerts de Joao Gilberto, l'un des pionniers de ce style musical intimiste, typiquement brésilien. Les billets d'entrée des trois concerts que le chanteur, aujourd'hui âgé de de 77 ans, donnera à Sao Paulo et à Rio au cours des prochains jours, ont été épuisés en moins d'une heure. Joao Gilberto est le seul, de la dénommée «sainte trinité» de la bossa nova formée par le compositeur et pianiste Tom Jobim et le poète et diplomate Vinicius de Moraes, encore en vie. En août 1958, sa voix chuchotante et mélancolique et sa façon singulière de jouer de la guitare, avaient conquis le pays avec l'album intitulé Chega de Saudade, dans lequel il interprétait des chansons de Jobim et Moraes révélant la bossa nova. Il s'agit d'un métissage de samba traditionnelle, fortement influencée par le jazz et d'une construction harmonique inspirée de musique classique. Intimiste, elle voulait rompre avec la musique populaire traditionnelle, principalement des sambas de type carnaval qui résonnaient au sein de la classe ouvrière, ou des ballades et boléros latino-américains que goûtait la classe moyenne. Personne ne sait exactement d'où lui vient son nom. Il y a un demi-siècle, quand le Brésil entamait son développement et construisait sa nouvelle capitale à Brasilia, on utilisait l'expression «bossa» pour tout ce qui était nouveau. La bossa nova (ou «nouveau truc») a surgi parmi les jeunes de la classe aisée qui, guitare en main, se réunissaient dans les appartements chics de Copacabana, séduits par la voix de Joao Gilberto, les harmonies de Jobim et les paroles de Moraes. «Ecouter Joao Gilberto fut une révélation. J'écoutais pendant des heures et des heures Chega de Saudade et je n'arrivais pas à croire que quelqu'un puisse chanter comme ça», a confié le chanteur-compositeur Caetano Veloso. La bossa nova a révélé au monde que la chanson brésilienne ne se limitait pas à l'exotisme et aux rythmes de Carmen Miranda. En 1959, Orfeo Negro tourné dans les favelas de Rio par le cinéaste français Marcel Camus remporte la Palme d'Or à Cannes. L'une des chansons du film, Felicidade, projette la bossa nova sur la scène internationale. Mais c'est en 1962, quand Tom Jobim, Joao Gilberto, Sergio Mendes, Carlos Lyra et Luiz Bonfa, entre autres, se présentent au Carnegie Hall de New York devant un public où se trouvait Miles Davis et Dizzie Gillespie, que la bossa nova prend son véritable essor. En 1963, A Garota de Ipanema, interprétée par Joao et Astrud Gilberto avec le saxophoniste Stan Getz, rencontre un succès aujourd'hui légendaire. Elle sera reprise en 1967 par Frank Sinatra (Girl from Ipanema). Elle devient l'une des chansons les plus jouées du monde. «Nous ne perdons que contre les Beatles», disait Tom Jobim. Actuellement, si la bossa nova n'est plus le genre le plus populaire ni le plus en vogue, elle demeure présente dans le coeur des amateurs de musique. «La bossa nova n'est plus dans la liste des succès mais c'est un genre que toutes les générations cultivent», affirme Ruy Castro, auteur de plusieurs ouvrages sur ce genre musical.Le chanteur-compositeur Carlos Lyra, l'un des pionniers du genre, est plus pessimiste: «Si on me demande où on peut écouter de la bossa nova à Rio, je dis nulle part.» Cette musique est plus populaire au Japon ou en Europe qu'au Brésil.