Hors du commun est la prestation assurée par le groupe allemand Lychee Lassi qui s'est produit, mercredi dernier, au TRO devant un public qui, au début, a eu du mal à entrer dans le bain. Et c'est le moins qu'on puisse dire face à la déferlante des effets sonores d'une musique électronique dont l'atmosphère d'étrangeté est accentuée par les combinaisons blanches immaculées des quatre éléments de cette formation qui à, défaut de venir d'ailleurs, ont en réalité fait émersion des sous-sols berlinois, un underground dont ils se revendiquent. Leur musique, notamment quand les rythmes se superposent sur une même cadence, ferait le bonheur de ceux qu'on qualifie de nouveaux hippies et leurs raves parties. Seulement, au-delà de cette nouvelle transe urbaine se cache un véritable travail de création musicale. Qu'ils viennent des pédales à effets du guitariste et du bassiste ou des platines du DJ et son trésor de vinyles, les mixages de Lychee Lassi sont à la musique ce que les techniques de collage sont à l'art pictural. Et là, on marie indifféremment des effets de voix à la Hendrix, des sons de trompette de jazz à la Louis Armstrong où même des passages de solo de flûte traversière évoquant les Jethro Tull, de la cithare (Ravi Shankar ?), du blues mais aussi des passages de rap. Le guitariste du groupe ne manque sans doute pas de talent en s'essayant à des passages à la manière des solistes du hard rock avec effet de distorsion en prime. Mais la virtuosité n'est pas ce qui est recherché et la tenue presque statique sur scène, hormis les hochements de tête caractéristiques, dénote la volonté de privilégier une invitation à pénétrer une atmosphère, un monde grouillant mais à part qu'à essayer de déchiffrer un langage destiné aux sens. Au centre de cette polyphonie du futur à laquelle il faudra inventer des règles d'harmonie, seule la batterie apparaît comme un instrument « analogique ». Comme si c'était le seul lien avec le réel. Mais ces quatre garçons sont loin d'être dans le vent et derrière les paupières baissées, sans doute un autre effet de scène, transparaît le souci de la juste mesure. Eric le Lann et Nelson Pour la ville d'Oran, le festival culturel européen s'est clôturé jeudi et de quelle manière ! A l'affiche à l'auditorium de l'USTO le trompettiste Eric le Lann et le nouveau duo qu'il forme avec le jeune guitariste brésilien Nelson Veras. En ce dernier, le musicien français a sans doute trouvé un accompagnateur idéal pour mieux rendre encore plus belle la réinterprétation qu'il donne de la musique d'Antonio Carlos Jobim, l'un des pères fondateurs de la bossa nova, ce jazz mélodieux dans lequel on a insufflé l'âme du Brésil, The girl from Ipanema étant le titre de la consécration universelle. La bossa représente un large éventail du répertoire proposé au public oranais qui s'est déplacé en grand nombre pour cette « soirée » (le spectacle a débuté à 17 h). Tentant parfois des répliques mais apportant souvent un soutien, la guitare électroacoustique du Brésilien privilégie un jeu en accord qui sublime les envolées mélodiques de la trompette. Le duo annonce la couleur avec le titre portrait in black and white. Ceux, à force d'habitude, qui s'attendent à un emballement rythmique ont été déçus car les enchaînements qui vont suivre comme Ligia se feront dans le même registre d'une douce mélancolie. Cette remarque s'applique aussi bien lorsque Eric le Lann annonce son intention de s'attaquer au jazz classique américain avec caravane de Duke Ellington. Et c'est presque un pléonasme lorsqu'il évoque la douceur au sujet de Moon du même auteur. Le choix est porté sur les morceaux qui suscitent la méditation plongeant la salle dans une espèce halo artistique indescriptible. Le voyage intérieur suscité valait la peine et le dénuement de la scène conjugué avec le choix de se passer des effets d'une instrumentation chargée accentue davantage l'atmosphère de concentration régnante. De la musique, de la vraie, feront remarquer certains initiés contents de ne pas avoir raté un concert à la hauteur de leur espérances.
