Le Pakistan vient de prendre un virage important. Musharraf, menacé de destitution, à la surprise générale, a annoncé, hier, sa démission. Dans la matinée d'hier, il n'était pas encore question de démission pour le président Musharraf qui, menacé de destitution par la majorité parlementaire, affirmait, mutatis-mutandis, qu'il ne bougerait pas de son poste. Que s'est-il passé entre le moment où il réitérait qu'il ne quitterait pas ses fonctions et celui où il annonça lui-même, dans un message à la nation, sa démission de la chefferie de l'Etat? En effet, dans un discours à la nation diffusé par la télévision pakistanaise, le président Musharraf a déclaré: «Après avoir considéré la situation et consulté divers conseillers en droit et alliés politiques, sur leurs conseils, j'ai décidé de démissionner», ajoutant, «je laisse mon avenir dans les mains du peuple». Toutefois, le président démissionnaire, qui a pris le pouvoir en 1999 après un coup d'Etat sans effusion de sang, a défendu son bilan et accusé la coalition gouvernementale, l'ancienne opposition vainqueur des législatives de février, de «saper les fondements de la République Islamique du Pakistan». Aussi, le mystère demeurait hier, sur ce subit retournement de situation qui ne semble pas prêt d'être éclairé. D'ailleurs, quelques minutes avant le discours de Pervfez Musharraf, un haut responsable de la présidence pakistanaise, s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, a déclaré à une agence de presse étrangère, «Il n'y a aucune chance qu'il (Musharraf) démissionne, il se battra contre les allégations auxquelles il fait face et défendra sa position». Fort de son «alliance» avec les Etats-Unis, dans leur guerre contre le terrorisme, on estimait alors que le président Musharraf avait les moyens de la «résistance» pour conserver son poste? fort du «soutien» de Washington. Or, une déclaration assez sibylline, dimanche, de la chef de la diplomatie américaine, Condoleezza Rice, invoquant le «gouvernement démocratique» du Pakistan, peut avoir incité, le président Musharraf, à réviser à la baisse sa marge de résistance par rapport à son ancienne opposition, aujourd'hui majoritaire au Parlement. En réponse à une question de la chaîne américaine Fox News, quant à un possible «exil» aux Etats-Unis du président Musharraf, Mme Rice à indiqué que «ce n'est pas une question à l'ordre du jour et je veux juste maintenir notre attention sur ce que nous devons faire avec le gouvernement démocratique du Pakistan». Ce qui montre un net recul des Etats-Unis par rapport au bras de fer qui opposait le gouvernement démocratiquement élu d'Islamabad, à leur néanmoins allié, Pervez Musharraf. Cela semble avoir joué dans la décision du président Musharraf d'abréger son bras de fer avec le nouveau pouvoir pakistanais, d'autant plus qu'une démission de son propre gré effacerait la menace qui pesait sur lui d'être traduit devant la justice pour abus de pouvoir, notamment pour le limogeage des juges de la Cour suprême et l'instauration de l'état d'urgence un mois après sa «réélection» controversée par un Parlement plus ou moins illégitime. En fait, l'ancien général semble avoir pris conscience que l'ensemble des institutions du pays lui étaient hostiles et un départ volontaire qui lui sauvait la mise, serait préférable à l'humiliation de la destitution. Le gouvernement, mené par la coalition constituée par le Parti du peuple pakistanais (PPP, dirigé par le veuf de Bénazir Bhutto) et le PLM-N (section Nawaz Sharif) qui avait entamé depuis le mois de juillet la procédure de destitution, avait annoncé dimanche que celle-ci, dont le dépôt devant le Parlement était prévue pour mardi, (aujourd'hui) était prête.