L'opposition avait juré d'avoir sa tête, c'est chose faite, du moins la procédure de sa destitution est lancée par un gouvernement et un Parlement sur lesquels il n'a aucune prise. La coalition gouvernementale au Pakistan a annoncé qu'une procédure de destitution contre le président en exercice, Musharraf, allait commencer. Et c'est tout le pays qui veut le voir plier bagage. En janvier dernier, 75% des Pakistanais souhaitaient son départ. Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto, a annoncé que les partis de la coalition sont parvenus à un accord de principe pour lancer une motion de destitution contre le président. “Nous sommes tombés d'accord pour le destituer”, a renchéri le parti de Nawaz Sharif, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), second parti de la coalition. L'entente est intervenue alors que Pervez Musharraf devait s'envoler pour les jeux Olympiques de Pékin, une visite qui a, depuis, été annulée. Le camp Musharraf, au pouvoir depuis un coup d'Etat militaire en 1999, a perdu les élections législatives du 18 février et le président cohabite depuis dans une atmosphère conflictuelle avec un gouvernement rassemblant l'ex-opposition. Mais celle-ci était jusqu'ici divisée sur le sort à réserver au chef de l'Etat. Une partie, dont le PML-N, exigeait son départ. Une autre, surtout le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Benazir Bhutto, n'était pas hostile à une cohabitation si Musharraf était dépouillé de certaines prérogatives. C'est la question des juges de la Cour suprême, en particulier le sort de son ancien président Iftikhar Muhammad Chaudhry, qui est au cœur du conflit entre l'ex-général Musharraf et le gouvernement. La coalition au pouvoir a promis de rétablir dans leurs fonctions ces juges destitués par Musharraf à la faveur de la proclamation de l'état d'urgence en novembre 2007. Mais le président, réélu de manière controversée en octobre dernier, redoute que ces magistrats ne se prononcent sur la légitimité de son mandat. Si le Parlement rétablit ces juges, la Cour suprême pourra en théorie de nouveau juger illégal le nouveau mandat pour cinq ans de Pervez Musharraf et entamer une procédure de destitution. Le président pakistanais, à la tête d'une puissance nucléaire militaire, continue de jouir du soutien des Etats-Unis, principaux pourvoyeurs d'aide à Islamabad, leur allié-clé dans leur guerre contre le terrorisme. Musharraf semble dans les cordes, mais rien n'est encore perdu pour lui. Ce n'est que le début d'un processus qui risque de prendre plusieurs semaines et il faut pour la coalition une majorité des 2/3 au Parlement. Autant c'est possible à l'Assemblée, autant les partisans de Musharraf sont encore nombreux au Sénat. Le président pakistanais peut également décréter l'état d'urgence, comme en novembre 2007, et dissoudre le Parlement. Mais il y a un tel mécontentement au Pakistan que, cette fois, les gens descendraient dans la rue massivement. La situation économique est catastrophique avec une pénurie d'énergie gravissime. Avec la hausse du cours du pétrole, le Pakistan a épuisé ses réserves de devises dans les importations. La hausse des prix des transports, celle des prix des biens de consommation courante sont faramineuses et le chômage a beaucoup augmenté avec la fermeture des usines textiles, toujours à cause du manque de ressources énergétiques. Reste l'attitude de l'armée qui est durement touchée dans les zones tribales. L'alternative, plus probable, est que tout se joue dans les coulisses comme ces cinq derniers mois. Musharraf est passé maître dans les tractations. D. B.