Il attend encore quelques années avant de s'attaquer à la course des courses en Ethiopie: le Marathon. En remportant son deuxième titre olympique sur 10.000 m, l'Ethiopien Kenenisa Bekele a égalé son compatriote Haile Gebreselassie, mais sa réserve tranche avec la jovialité de son aîné. Le passage de témoin entre les deux hommes a eu lieu aux Mondiaux-2003 à Paris. Bekele y a remporté le premier de ses trois titres planétaires en devançant «Gebre», quadruple champion du monde de la distance. L'année suivante, le second était encore là pour assister au premier sacre olympique de son cadet à Athènes. Depuis, leurs trajectoires se sont éloignées, Gebreselassie choisissant de monter sur le marathon, avant de revenir faire une pige sur 10.000 m à Pékin (6e), car il craignait la chaleur, l'humidité et la pollution annoncées dans la capitale chinoise. Bekele, dont les premiers souvenirs d'athlétisme remontent au premier sacre olympique de son aîné à Atlanta en 1996, attend encore quelques années avant de s'attaquer à la course des courses en Ethiopie depuis le sacre olympique d'Abebe Bikila en 1960 aux Jeux de Rome, sur les terres de l'ancienne puissance coloniale. Pour l'instant, ce fils de fermier, deuxième d'une fratrie de six, se contente amplement d'exercer une domination sans partage sur sa distance fétiche, le 10.000 m, sur laquelle il est invaincu depuis ses débuts professionnels en 2003. Ses tentatives sur le 5000 m, dont il détient aussi le record du monde, n'ont en revanche jamais été couronnées de succès en championnat (3e aux Mondiaux-2003 et 2e aux JO-2004). Cela pourrait changer à Pékin, où il a prévu de doubler. Sa carrière a pourtant failli tourner court quelques mois après son premier sacre olympique à Athènes. Lors d'une séance d'entraînement commune, sa jeune fiancée Alem Techale, athlète elle aussi, décède des suites d'un accident cardiaque début janvier 2005. «J'ai pensé arrêter. Puis, j'ai compris qu'il faut savoir accepter. Mes proches et la foi m'ont aidé dans ces moments», expliqua-t-il deux mois plus tard, quand il réalisa le quatrième de ses cinq doublés aux Championnats du monde de cross-country à Saint-Galmier (France). Après avoir rebondi sur le plan sportif, Bekele s'est aussi reconstruit sur le plan personnel. L'hiver dernier, il s'est marié avec une présentatrice de la télévision éthiopienne. «Cela m'a apporté de la confiance», dit-il timidement. Bekele est, en effet, un homme de peu de mots. Et si un titre mondial le sépare encore de Gebre, c'est sans doute ce qui le distingue le plus de son volubile aîné, devenu homme d'affaires en attendant d'entrer en politique.