Cette région attend avec angoisse le jour du scrutin. Des violences pourraient émailler les législatives. A la veille d'un important rendez-vous électoral, la Kabylie est «inscrite aux abonnés absents». Les partis ayant un ancrage dans la région, le FFS et le RCD, ayant opté pour le boycott du scrutin, le mouvement citoyen est «décidé» à tout faire pour empêcher le déroulement des législatives. La majorité des citoyens attend, la peur au ventre, ce que leur réserve la date fatidique du 30 mai. Déjà, quelques candidats, principalement du RND, sans doute parce que mal placés sur les listes, ont publiquement annoncé leur désistement. Un désistement qui, bien entendu, n'a aucune valeur légale, mais qui renseigne sur l'état d'esprit ambiant. Seuls, les candidats du parti du FLN, accrochés à leurs convictions, entendent mener à bien leur entrée en lice. Certes, des militants de ce parti se sont «rués» dans les brancards quant à la constitution des listes, d'autres vont jusqu'à «rejeter» le scrutin. L'autre parti de la majorité, le RND, connaît pour sa part, des défections. Après MM.Maouel et Chettouane, candidats respectivement d'Illoula et de Tikobaïne, c'est Me Brik Mohamed, classé 3e sur la liste RND, qui s'est rapproché de notre bureau de Tizi Ouzou pour nous faire part de son désistement. L'avocat-candidat déclare: «Par décence, je ne peux me porter candidat dans une situation pareille. Je pose comme condition, la libération des délégués détenus et je demande qu'une grâce soit prononcée en faveur des jeunes, considérés comme émeutiers et condamnés...». Pour Me Brik, «même si ma liste passe, je ne suis personnellement pas partant!». Certes, la colère est encore présente, palpable, puissante. La longue protesta ne semble pas avoir «évacué» le trop-plein. Même avec plusieurs blessés et plus d'une centaine de morts, la Kabylie ne semble guère vouloir désarmer. Pour elle, une seule réponse est possible: la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur. Aussi, citoyens, mouvements et partis politiques ayant un ancrage dans la région semblent communier dans l'attitude de rejet. Ce ne sont pas les quelques candidats des partis sans assise réelle dans la région qui peuvent changer les choses. Même si un chef de parti, M.Taleb Mohamed Chérif, a mis son point d'honneur à braver la protesta et à se présenter en Kabylie, il faut noter que si le FLN a du «mal» à se placer, ce ne sera certainement pas le PNSD qui pourra rafler la mise! D'autant plus que le PNSD semble avoir commis un petit impair, assez compréhensible, en cette période. En effet, les citoyens de Draâ Ben Khedda affirment que «des gens auraient accompagné le chef du PNSD pour venir à Draâ Ben Khedda, écouter sa harangue!» Un fait est souligné par tous les citoyens: «Aucun habitant de Draâ Ben Khedda n'était au meeting de M.Taleb du PNSD.» Par ailleurs, la Fédération nationale des fils de chouhada dénonce dans un communiqué «les appels publics au meurtre, au lynchage, aux violations des libertés publiques et individuelles...» et à son tour menace «quiconque portera atteinte à l'honneur, la dignité, l'intégrité morale ou physique des candidats portés sur la liste indépendante: Assirem». A les suivre, des menaces seraient proférées à l'encontre des candidats. D'où viennent ces menaces? Personne n'est en mesure d'accuser fermement une partie ou un groupe de personnes. Le mouvement citoyen ne cache pas qu'il appelle à une mise en quarantaine des candidats, ce qui est certes, une «mort civile», mais jamais aucun délégué n'a appelé au meurtre. Contacté, le FFS qui, lui aussi, appelle «les citoyennes et les citoyens à bouder les urnes», réaffirme solennellement que sa «démarche est pacifique». Pour lui, «le meurtre et la violence ne sont pas des expressions politiques». En revanche, le parti de M.Hocine Aït Ahmed, qui ambitionne d'arriver à «zéro vote!», se pose des questions, quant à la volonté des pouvoirs publics de «fausser les résultats» en recourant au vote des forces de sécurité. Djeddaï devait d'ailleurs s'écrier, lors de son dernier passage à Tizi Ouzou: «Qui sait quel est le nombre de militaires, de policiers... actuellement en Kabylie?». Bref, le climat en Kabylie est loin d'être aux élections. Bien au contraire! La population a peur devant la volonté apparente des uns et des autres de finalement mettre le cap sur le 30 mai. Les uns pour que les élections se tiennent, les autres pour justement les empêcher. Seule la population, entre le marteau et l'enclume, se tient le ventre. De quoi donc, sera fait le 30 mai? Et tous de prier pour que «le sang ne coule plus!» La vie d'un homme vaut toutes les élections du monde!