Deux kamikazes à pied ont massacré jeudi 64 ouvriers qui sortaient de la principale usine militaire d'armement du pays à Wah, près d'Islamabad. Les talibans proches d'Al-Qaîda menaçaient hier plus que jamais le Pakistan au lendemain d'un attentat extrêmement meurtrier et face à une coalition déchirée qui ne parvient pas à gouverner, sous la pression de Washington qui exige des résultats contre les islamistes. Deux kamikazes à pied ont massacré jeudi 64 ouvriers qui sortaient de la principale usine militaire d'armement du pays à Wah, près d'Islamabad. Trois jours plus tôt, 30 personnes avaient déjà péri dans un attentat suicide dans un hôpital du nord-ouest du pays. Ces attaques sont parmi les plus meurtrières de la vague sans précédent d'attentats qui a fait près de 1200 morts dans tout le pays depuis un an. Et, immédiatement après le carnage jeudi, un porte-parole des talibans pakistanais, réputés proches d'Al-Qaîda, menaçait de lâcher ses kamikazes dans les plus grandes villes si l'armée ne cessait pas ses opérations contre eux dans les zones tribales du nord-ouest, frontalières avec l'Afghanistan. C'est là que Washington, principal bailleur de fonds d'Islamabad, est convaincu que le réseau d'Oussama Ben Laden et les talibans afghans ont reconstitué leurs forces. Cette offensive avait été lancée il y a deux semaines sous la pression intense des Américains et l'armée assure y avoir déjà tué 500 insurgés. Car le Pakistan, allié-clé de Washington dans sa «guerre contre le terrorisme» depuis septembre 2001, était depuis plusieurs mois dans le collimateur des Américains qui estimaient qu'il ne faisait pas assez pour réduire la menace islamiste dans les zones tribales, accusant même ouvertement une frange de ses services de renseignement de soutenir les insurgés. Cette défiance explique en partie la démission lundi du président Pervez Musharraf, poussé vers la sortie par le nouveau gouvernement de coalition qui préparait une procédure de destitution. M.Musharraf était la bête noire d'Al-Qaîda, à l'origine, par le biais des talibans pakistanais, de la campagne sans précédent d'attentats qui ensanglante le pays. Ben Laden avait lui-même décrété le jihad contre le «chien de Bush» et son armée en septembre 2007. Mais le départ de M.Musharraf n'a manifestement pas apaisé les fondamentalistes. Jeudi, le Mouvement des Talibans Pakistanais (TTP) a revendiqué le double attentat de Wah et menacé, par la voix de son porte-parole, le maulvi Omar, de lancer ses kamikazes contre des cibles dans les grandes villes, y compris Islamabad, si l'armée ne cessait pas ses opérations. Dès jeudi soir, le gouvernement a placé toutes ses forces de sécurité en alerte maximum et renforcé la protection de ses sites stratégiques. Il faut dire que les talibans ont le champ libre ces derniers temps: la coalition au pouvoir, issue de l'ex-opposition à M.Musharraf après les législatives de février, est incapable, depuis, de gouverner et d'opposer un front uni aux terroristes, s'emportaient une nouvelle fois hier les éditorialistes pakistanais. Et, comme pour leur donner raison, les deux piliers de la coalition achevaient une intense série de tractations en repoussant une nouvelle fois de cinq jours une décision cruciale sur la question qui les divise le plus: le rétablissement dans leurs fonctions des juges de la Cour suprême destitués par M.Musharraf en novembre. Ce qui apparaît comme une futilité aux yeux de la majorité des Pakistanais, confrontés, outre à la terreur des talibans, à une crise économique qui les appauvrit dramatiquement de jour en jour. Enfin, une autre annonce hier était de nature à diviser davantage encore les «frères ennemis» de la coalition, les partis des ex-Premiers ministres Benazir Bhutto, assassinée en décembre 2007, et Nawaz Sharif: la date de l'élection du successeur de M.Musharraf par le Parlement et les assemblées provinciales a été fixée au 6 septembre.