L'affaire Aggoune-Saïdi Sief mérite toute l'attention voulue, car des accusations graves ont été prononcées. A défaut de faire parler de lui en termes de podiums à Pékin, l'athlétisme algérien se singularise par des histoires abracadabrantes qui auraient pu être évitées avec un minimum de gestion rigoureuse. Loin de nous l'idée d'en vouloir aux athlètes du fait de leur échec dans ces Jeux. Nous connaissons fort bien le niveau des Jeux et y être constitue déjà une performance puisqu'il est nécessaire de réaliser des minimas pour y aller. Nos deux plus belles chances de médailles dans cette discipline, à savoir Tarek Boukensa dans le 1500m messieurs et Souad Aït Salem dans le Marathon féminin ont tourné court. Le premier a échoué en demi-finales en même temps que son collègue Antar Zerguelaïne dans une spécialité qui avait toujours fait figurer un Algérien en finale des Jeux olympiques depuis 1992 et le rendez-vous de Barcelone. Ce que l'on sait moins, parce que cela n'avait pas été du tout médiatisé, c'est que ces deux athlètes ont été trop souvent blessés depuis la saison dernière. Zerguelaïne est allé à Pékin, alors qu'il n'était pas encore remis d'une contracture. Quant à Boukensa, il est probable qu'il montera sur le billard dès son retour à Alger pour se faire opérer du genou. Pour ce qui est de Aït Salem, dont nous rappellerons qu'en 2004, au lendemain des Jeux d'Athènes, nous lui avions consacré un article dans lequel elle nous avait fait part du désintérêt dont elle était victime jusqu'à financer de sa poche ses déplacements à l'étranger. La 9e place qu'elle a obtenue dans l'épreuve du Marathon de Pékin est honorable car on a une certaine tendance chez nous à croire que nous sommes les plus forts et que tous les autres sont faibles. C'est pourquoi, nous sommes champions du monde en football, en handball, en volley ball, etc...Et ce qui s'est passé à Pékin dans l'affaire du 5000m et du 10.000m messieurs démontre, si besoin est, pourquoi le sport algérien va si mal, même si nous continuerons à penser qu'il ne bénéficie pas de tous les moyens qu'il mériterait d'avoir. L'interview accordée par Khoudir Aggoune à certains de nos confrères algériens qui se trouvent sur place en Chine, laisse deviner que la Fédération algérienne d'athlétisme fait dans l'à peu-près. Tout de même, voilà un athlète qui affirme avoir signé pour un contrat-programme avec cette fédération pour la course du 5000m, dont il a réalisé, l'an dernier, les minimas A, qui a reçu les fonds nécessaires pour se préparer pour cette échéance et qui sur place apprend qu'il sera engagé dans le 10.000m, le 5000m étant pris par Ali Saïdi Sief qui, cette année, a réalisé les minimas B sur cette distance. On apprend alors que le principal concerné pour cette prise de décision, le DTN de l'athlétisme, était resté à Alger. Un DTN, qui aurait promis à Aggoune qu'il ne courrait pas une autre course que le 5000m, selon les dires de ce dernier. Ce DTN est intervenu jeudi sur les ondes de la radio chaîne III pour expliquer que «j'étais malade et que son absence à Pékin était, aussi, due à des problèmes que je dévoilerai une autre fois.» Il s'est défendu sur l'affaire Aggoune indiquant que «j'avais personnellement dit à cet athlète qu'il devait se préparer à courir le 10.000m à Pékin. J'ai une lettre de son entraîneur où il me dit que Aggoune va courir le 10.000m au championnat de France.» Le DTN avoue «qu'un malaise est en train de secouer la Fédération algérienne d'athlétisme.» Il a été suivi par une responsable de la FAA qui a regretté que la préparation de certains athlètes échappait à la Fédération. Il en a voulu à la commission médicale du COA d'avoir laissé des athlètes participer à Pékin alors qu'ils étaient blessés. C'est comme si la commission médicale de la FAA, première responsable, n'existait pas. Ce membre de la FAA ne dira mot sur le choix d'un Saïdi Sief ou celui de Nahida Touhami, partis faire un petit tour en Chine puis sortir et sur la présence d'une Baya Rahouli, blessée depuis deux ans et qui n'a plus pris part à une grande compétition depuis des lustres. De son côté, Aggoune a enfoncé le clou en affirmant que le chef d'équipe à Pékin lui aurait demandé de courir le 10.000m puis d'abandonner en simulant une blessure. On ne sait pas si cette information est vérifiée mais il serait opportun que le ministère de la Jeunesse et des Sports ouvre une enquête sur ce cas car la déclaration de Aggoune est particulièrement grave et témoigne d'une impardonnable dérive. Le président de la Fédération algérienne d'athlétisme s'est exprimé sur cette affaire à partir d'Alger où il se trouve, sur les ondes de la radio pour dire que c'est la FAA qui a décidé d'aligner Aggoune sur 10.000m et Saïdi Sief sur 5000m. Mais alors pourquoi avoir préparé Aggoune sur 5000m? Le choix de Saïdi Sief s'expliquait d'autant moins que les règles de la FAA stipulent qu'un athlète ayant réalisé des minimas B ne peuvent prendre part à une grande compétition internationale que s'ils sont âgés de moins de 23 ans. Ce qui n'est pas le cas de Saïdi Sief qui a 30 ans. Ce qui n'est pas le cas, également, de Nahida Touhami dans le 1500 m féminin partie à Pékin avec des minimas B alors qu'elle a 30 ans. Répétons-le, nous n'attendions pas de très grands résultats des athlètes algériens lors de ces Jeux. Il ne faudrait pas croire que l'Algérie est capable de sortir un Morceli, une Boulmerka, une Benida Merrah ou un Said-Guerni sur un simple claquement de doigts. Le moins que l'on puisse attendre est que la gestion de la carrière de nos athlètes soit rigoureusement suivie et planifiée et non pas jugée ponctuellement. Aggoune n'était pas parti pour gagner une médaille à Pékin mais il fallait lui accorder cette chance de viser la finale du 5000m. On avait dégagé des moyens financiers pour cela, malheureusement pour rien.