L'Expression: Pourquoi les routes algériennes sont-elles toujours meurtrières en dépit des incessantes campagnes de sensibilisation? Mohamed Lazouni: Effectivement, et en dépit des efforts constants des pouvoirs publics et du mouvement associatif en matière de sensibilisation, le fléau des accidents de la route continue à sévir dans notre pays. Avec parfois des hausses effroyables du nombre de victimes. Rien que pour ce week-end, l'on a recensé quatorze morts, dont huit à Annaba et six à Mascara, où toute une famille a été décimée. C ‘est abominable! En fait, l'idée d'asseoir un contrôle sans faille en matière de prévention est tout simplement utopique. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir ce qui se passe aux Jeux olympiques, où, en dépit de tous les contrôles anti-dopage imaginables, quelques sportifs tentent, au risque de se faire éliminer, de déjouer les examens. Ainsi, l'inconscience de l'être humain sape à chaque fois les meilleures intentions et brave les règlements les plus rigoureux. Je relève ici l'incroyable propension des conducteurs à empiéter le Code de la route dès que l'occasion leur est présentée, c'est-à-dire dès qu'ils remarquent l'absence du «gendarme» quitte à s'envoyer au cimetière! C'est loin d'être de la «ch'tara» mais un comportement suicidaire. Encore une fois, le facteur humain est indéniable dans l'équation meurtrière du terrorisme routier. L'autre paramètre déterminant dans la persistance inquiétante de ce fléau, est à mon avis l'envahissement du parc automobile national par un nombre sans cesse croissant de véhicules. En quelques années seulement, ce dernier a été multiplié par 10. Ce volume impressionnant d'automobiles étant concentré au nord du pays. En somme, nous sommes passés de 1.600.000 à 5.000.000 de véhicules en moins de vingt ans! soit un nombre qui a quasiment triplé; d'où le nombre de décès sur nos routes, qui continue à narguer toutes les politiques de prévention. Pourtant le nouveau Code de la route est très sévère... Nous n'avons pas de Code de la route! je m'explique: l ‘automobiliste algérien ne respecte pas le Code en tant que tel; sa motivation principale consiste plutôt d'échapper à la contravention, en ce sens qu'il a pour seul objectif de préserver «sa poche» de la possible amende, faisant fi du bon sens au détriment de sa sécurité et de celle des autres. C'est là un constat bien amer, et vous semblez rejeter toute la responsabilité sur les concessionnaires qui importent le maximum de voitures qui ne sont plus un luxe finalement. D'autant que les transports en commun sont loin de remplir le rôle qu'attendent d'eux les citoyens... Je m'interroge justement sur ces fameuses normes, existent-elles réellement? Comme pour les transports en commun, elles concernent d'abord les véhicules particuliers. Car à un moment donné, force nous a été donnée de constater que des concessionnaires se sont évertués à importer des véhicules dont l'introduction a été interdite en Europe. Or, il n'y a aucun mal à s'aligner sur l'Europe, a fortiori quand il s'agit de sécurité routière. Un décret sera heureusement appliqué dès l'année prochaine et obligera les concessionnaires à commercialiser exclusivement les véhicules à conformité européenne. Bien que ce soit là une bonne nouvelle, ces mêmes normes et sur un plan général mettront bien du temps, hélas, à s'imposer dans l'environnement qui est le notre. Allons-nous vers le système du permis à points? Sommes-nous d'abord capables d'instaurer un tel système! Quand l'on sait qu'un simple renouvellement de permis de conduire à la daïra requiert neuf mois voire une année entière! Par ailleurs, quelle est l'autorité qui procédera au retrait des points? En l'absence d'un réseau informatique reliant les service de police à ceux de la wilaya par exemple, une telle ambition ne peut être qu'hors d'atteinte. Je rappelle qu'à un moment donné existait le tribunal de police qui pouvait confronter le contrevenant et l'agent verbalisateur et dégager ainsi la pertinence du retrait du permis et de juger de toute autre sanction. Une telle instance, inexistante, serait pourtant nécessaire pour réaliser un tel système. En outre, un réseau fiable où sera établi tout le fichier national du permis de conduire, permettra la traçabilité de tout permis confisqué et donc préviendra toute velléité de contourner la loi. Quelle est alors selon vous la meilleure méthode pour venir à bout du terrorisme routier? Nul besoin de recourir à de longues séances de brainstorming pour trouver une solution à cette problématique. Il suffit tout simplement de miser sur l'éducation. Nous plaidons cette évidence depuis des années. La création des circuits devient indispensable dans les écoles. Dès l'age de six ans, l'enfant encadré par des pédagogues, doit apprendre des règles de bases qui lui sauveront la vie plus tard. Comme apprendre à rouler à droite et à partager la voie avec les autres automobilistes. C'est-à-dire assimiler des gestes et comportements qui se transformeront en réflexes à l'age adulte.