Le changement des ensembles politiques et militaires incite à une realpolitik en matière d'armement, d'armée et de sa professionnalisation. Le séjour de cinq jours de la force navale de l'OTAN en Méditerranée dans notre pays aura permis, officiellement, de «poursuivre le développement des relations de coopération militaires bilatérales» et d'examiner des questions d'«intérêt commun».Toutefois, sur le plan stratégique et à moyen terme, tout indique que les Etats-Unis ont sérieusement les affaires en main, s'agissant de stabiliser et de sécuriser le Bassin méditerranéen, notamment dans sa rive Sud. Cette option, bien entendu, recèle en elle des «plans d'intérêt» pour passer inaperçue, en même temps qu'elle ressemble à s'y méprendre à une gifle qu'aurait donnée Washington à ses alliés européens, à leur tête la France. L'absence d'un navire français à quelques miles de Marseille n'est pas fortuite, pendant ce temps, Colin Powell n'a pas arrêté de fustiger la «lourdeur» de l'OTAN, l'exhortant à entreprendre des réformes en son sein, si l'organisation veut encore «se maintenir à jour des grandes et rapides mutations qui s'opèrent dans le monde». La visite de la force méditerranéenne de l'OTAN à Alger, durant cinq jours, est bien le second contact d'importance en moins de cinq mois. Le 20 décembre 2001, le Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a effectué une visite qualifiée d'«historique» par Lord Robertson, secrétaire général de l'Alliance Atlantique, au siège de l'OTAN à Bruxelles, une visite quasi impensable il y a seulement quelques années. Le changement des ensembles politiques et militaires, qui s'est opéré dans le monde au lendemain du 11 septembre 2001, et les conséquences qui en ont découlé, incite à une realpolitik en matière d'armement, d'armée et de sa professionnalisation. «Je vais proposer une mise à jour de notre armée», avait promis le Président Bouteflika à Bruxelles. Aujourd'hui, il s'agit réellement de saisir toute opportunité à même de faire sortir l'Algérie de son isolement. L'avancée réelle sur les plans politiques, économiques (intégration aux accords-cadres de l'UE et de l'OMC) et sécuritaires, ainsi que son influence géostratégique en Afrique, sont autant d'atouts à faire valoir. Le capital expérience dans la lettre antiterroriste (la grande hantise de Washington) en est le maître-mot. Cette opportunité survient au moment où l'Algérie a le plus besoin d'aide militaire, certes, mais surtout de formation, de perfectionnement de son encadrement et de maîtrise des moyens de communication et des hautes technologies aéronavales. Elle intervient aussi au moment où les Etats-Unis sont en train de secouer sévèrement les pays européens, membres du Traité, et qui, non seulement n'arrivent pas à «gérer un espace méditerranéen turbulent», mais aussi se sont rendus «coupables», aux yeux de Washington pour le moins, d'avoir drastiquement réduit leur budget militaire pour l'OTAN, d'où les qualificatifs acides qu'elle leur prête, «pygmée militaire», «fardeau de l'Organisation», etc. Pour dire vrai, les Etats-Unis sont en train de se comporter avec ces pays «à la traîne» comme ils le font avec les pays du tiers-monde. Depuis les attentats du 11 septembre, qui l'ont touché au coeur de son arrogance et de sa toute puissance militaire et économique, Washington classe les pays du monde en «amis» et en «ennemis» et ne veut, en tant que maître incontesté du monde actuel, entendre aucune protestation. Et quand bien même le siège de l'OTAN se trouverait à Bruxelles, les décisions sont prises souvent à Washington. Et c'est tant mieux si l'Algérie peut, dans un climat pareil, tirer son épingle du jeu. Car en matière de jeu, il y en aura certainement. Lors de l'attaque contre Kaboul, l'OTAN n'a pas été sollicitée et les Etats-Unis ont mené la guerre seuls, avec l'assentiment de l'ONU. Le couple triangulaire Etats-Unis-ONU-OTAN a des relations très ambiguës. Ce qui est clair au moins, c'est que les Etats-Unis savent tracer une politique d'intérêt claire. A l'Algérie de savoir profiter du contexte, de sa position en Méditerranée et de sa place dans l'échiquier sécuritaire actuel, si elle n'entend pas devenir uniquement une zone de transit ou une source d'information.