«Ceux d'Ennahda ou de Nahnah sont peut-être bons. Ils font ça pour Dieu.» A 35 kilomètres à l'est d'Alger en longeant la côte, Fouka est à des années-lumière des intrigues et des enjeux partisans. Les listes sont pourtant placardées au centre du village. Celui-ci a gardé son caractère colonial, mis à part l'inévitable transformation de l'église en mosquée. Vendredi, les fidèles devaient faire face aux portraits des candidats et candidates à l'APN. Fouka, ville résolument agricole, a connu, comme il se doit, ses protubérances urbanistiques. Signe de santé et de fertilité. Poussiéreuse en été, boueuse en hiver, mais tout le monde semble s'en accommoder. Derrière l'intensité du trafic automobile, dû à sa position charnière entre Koléa et l'axe routier Tipaza-Alger, cette commune retrouve sa stagnation légitime aux dernières heures de l'après-midi. Le plan de relance économique a profité à la ville, à quelques jours du début de la campagne. Les routes ont été rebitumées là où leur état était le plus navrant. «Ça fait huit ans que je suis là et personne ne m'a rien donné. Pourquoi irai-je voter?» Youcef, la trentaine entamée, est vendeur de cacahuètes. Sa «place», tout le monde la connaît. Pour lui aussi, les élections ne signifient rien et il le dit sur un ton tranché et convaincu. Il a depuis longtemps, appris à se débrouiller sans ça. «On les connaît. Ceux dont les photos sont accrochées ont de l'argent, il n'ont pas besoin de moi. Moi je ne donne qu'aux zaoualia. Eux, peut-être, mériteraient qu'on les aide.» Une coupure d'électricité plonge le village dans le noir. Mais Youcef a appris à se débrouiller seul. Une batterie d'automobile et une petite lampe l'aident à éclairer son étal. Les coupures d'électricité sont très fréquentes ici. La bougie est un accessoire incontournable pour les ménages à Fouka. Youcef revient sur son appréciation après une petite réflexion. «Ceux d'Ennahda ou de Nahnah sont peut-être bons. Ils font ça pour Dieu.» Tout le monde n'a pas des positions aussi tranchées que Youcef, mais la confusion est la même. «Oui je vais voter. Mais je ne sais pas encore pour qui?», bredouille son ami. Sur quels critères allez-vous choisir alors? «Je ne sais pas. Pour ne rien vous cacher, je ne sais même pas ce que ça veut dire leurs élections, ni comment ça marche!» Un jeune homme, à l'allure normale, passe. Nous avons le temps de saisir une partie de la discussion qu'il mène avec un partenaire fictif. «Qu'avez- vous donc avec votre espionnage et votre curiosité. Vous ne développez que de la haine», dans un français impeccable. Est-il fou?