La révolution des transports va chambouler les données de l'habitat dans le grand Alger dans les cinq années qui viennent. Elle concerne les véhiculés comme les sans. Les habitants de l'Ouest algérois comme ceux de l'Est. En fait, elle rapproche le centre-ville de sa périphérie et inversement. Une incidence attendue sur le marché immobilier. Ca c'est de la vigne ! » s'exclame Kamel devant les longues lignes bien droites qui fuient sur le plateau finement posé par une main divine entre Belouta et Souidania là ou les collines du Sahel ne proposent tout autour qu'un ballet de crêtes et de vallons. La terre bien rouge a été soigné ;« le propriétaire a mis son cœur ici depuis des années » témoigne Kamel un exploitant de la ferme voisine. Ici, ce sont les limites les plus méridionales de l'ancien domaine colonial de Borgeaud qui décline jusqu'à la plage à club des pins, six kilomètres plus loin. Le temps paraît figé dans une boucle depuis le retour des agriculteurs à la vigne dans la région ; immobile et frissonnante dans un splendide silence de campagne . Pourtant tout va se déchirer bientôt à cet endroit précis . « Ils sont encore passés cette semaine pour prendre des relevés . Les travaux commencent dans quelques jours » ; les travaux ? La seconde rocade sud d'Alger passe par là . Une autoroute de deux fois trois voies qui sur 60 km reliera Zeralda à l'ouest d'Alger à Boudouaou à l'est . Tous les riverains ne le savent pas encore, à quelques dizaines de mètres de là, ce sera la bretelle de sortie de Souidania. Autant dire qu'un autre univers va surgir en ce lieu. Et bien plus vite qu'on le croit. Le consortium d'entreprises (Portugaise, Espagnol et algériennes Engoa et Haddad ) qui a remporté le marché a 24 mois pour livrer l'ouvrage. « c'est à la fois une bonne et une mauvaise chose » soupire Sofiane fonctionnaire en retraite venu chercher la mise au vert dans le défilé généreux de l'oued qui plonge du plateau de Ouled Fayet vers la cave viticole au pied de l'ancienne Saint Ferdinand : « la mauvaise chose c'est que ce ne sera plus aussi calme qu'avant, je préfère ne pas y penser. La bonne c'est que je serais sur l'autoroute en moins de 5 minutes. Il m'en faut 15 actuellement. Comme je devrais encore accompagner mon plus jeune enfant au lycée, cela est appréciable. Pareille si je dois chercher quelqu'un à l'aéroport ou me rendre à la foire d'Alger de l'autre côté de la ville. Là je gagne facilement 20 minutes. Dans la vie qui nous attend , c'est énorme. » Les villages du Sahel désenclavés En fait personne n'a encore mesurer l'impact sur l'habitat et le marché de l'immobilier qu'annonce la révolution des transports mise en route dans et autour de la capitale. Les zones traversées par la seconde rocade sud d'Alger seront pour les plus enclavées d'entre elles rapprochées à moins de 20 minutes des entrées d'Alger (Chevalley, Cité Malki, Birmandreis, Tunnel Oued Ouchaieh, Pont des fusillés). Amine 36 ans, cadre dans la téléphonie, habite Crescia, un de ses anciens villages coloniaux du Sahel gonflé ces dernières années par les nouveaux lotissements et les programmes de logements, « rejoindre El Mouradia est un perpétuel casse tête pour moi. Par Draria, le chemin le plus direct, on n'avance pas. Les autres itinéraires vers l'autoroute de Blida - Alger sont trop longs ». La seconde rocade autoroutière d'Alger lui permettra avec l'échangeur de Birtouta de se raccorder en cinq minutes à cet axe qui mène très vite vers l'entrée d'Alger la plus proche de son lieu de travail : « j'avoue que je songeais revenir habiter plus près d'Alger. Maintenant j'ai une vraie raison de patienter encore ». D'autres projets concernant toujours le trafic routier promettent de changer les chronos entre Alger et sa lointaine banlieue notamment ouest et sud. Le doublement des voies de la nationale 11 à partir de la fin de l'autoroute du littoral ouest à l'embouchure du Mazafran avec le contournement de Douaouda Marine et de Fouka Marine fera – dès cet été ? - arriver les habitants de Bou Ismail à Bab El oued en moins d'une heure et inversement - grâce aussi au nouveau tunnel de Chevalley. De même le doublement de la RN 36 entre Douéra et le carrefour de Ouled Fayet donnera une radiale à gros débit à la seconde rocade sud qui la croisera entre Douéra et Baba Hassen en un important échangeur. Au seuil d'une révolution dans les transports collectifs La redistribution de l'espace-temps qui se dessine autour d'Alger déborde les collines du Sahel. Exemple, à Sidi Moussa, le cœur de la Mitidja d'ou l'on ne s'extirpe qu'au prix de multiples détours, la seconde rocade sud apporte une rampe de lancement pour contourner Baraki et la ceinture de béton qui bloque les accès d'Alger par les itinéraires actuels . Plus encore, il n'est pas toujours nécessaire d'être un automobiliste résidant la banlieue ouest ou sud d'Alger pour profiter des nouveaux délais de parcours plus courts que vont permettre l'enchevêtrement de la seconde rocade –sud , et des autres projets notamment l'arrivée dans trois ans environ de l'autoroute est-ouest dans la partie orientale de la Mitidja (Laarbatache) et ses raccordements au réseau autoroutier existant. Ici, s'ouvre le chapitre de la révolution des transports collectifs dans l'Algérois. Si l'ouest d'Alger vallonné restera le territoire de prédilection de la voiture personnelle, l'est d'Alger à la densité plus forte disposera de solutions multi-modulaires plus audacieuses. La modernisation des transports collectifs promet d'être encore plus spectaculaire que la réduction des trajets automobiles sur le demi cercle des 20 à 40 km autour d'Alger. Il faut pour s'en rendre compte, examiner le décompte des opérations en cours : le premier tronçon de la ligne une du métro d'Alger sera mis en service fin 2007, le tramway de la baie d'Alger sera opérationnelle en 2008 , l'électrification en cours du réseau ferroviaire Alger-Thénia et Alger-El Affroun sera aussi achevée à cette date. A cela il faudra ajouter l'entrée en service de nouvelles lignes téléphériques entre les hauteurs d'Alger et le centre ville en plus de réhabilitation des anciennes lignes , un contrat a été signé à cette fin en avril 2006 avec l'entreprise française qui les avait réalisé au début des années 80. Ces projets concernent dans leur vie quotidienne près de quatre millions de résidents d'Alger ; de sa baie et de son arrière pays à l'est et au sud. Apprendre la gymnastique modulaire Le tronçon à livrer de la ligne une du métro reliera la grande poste à l'entrée de Bachdjarah : « avec 40 000 personnes transportées par heure aux heures de pointe, cela promet à défaut d'un reflux du trafic bus-taxi et même des véhicules particuliers sur les axes névralgiques de Hassiba Ben Boulaïd – Belouizdad- Tripoli une stabilisation de ce trafic alors même que rythme des nouvelles immatriculations devrait avoisiner les 200 000 par an dans les cinq prochaines années en Algérie » explique un responsable au ministère des transports. De même la ligne de Tramway qui ira du pont des fusillés jusqu'à Bordj El Bahri par Mohamadia – Bab Ezzouar et la cité des bananiers réhabilite « le lien à la ville » dans ces grandes concentrations péri-urbaines à la population le plus souvent refoulées des quartiers traditionnels encombrés d'Alger. C'est ici qu'intervient la notion du transport modulaire : « en 2009, un couple de jeunes mariés sans voiture qui a emménagé dans un des immeubles de la cité des bananiers peut descendre après les heures de travail pour assister à un concert de musique dans une salle du centre ville et rentrer avant minuit en passant du tramway au métro au carrefour du Ruisseau et inversement » explique le cadre des transports en insistant sur la notion de changement de modes de transport : « Nous avons prévu avec les travaux publics de doter le nouveau carrefour en souterrain de Chevalley d'un parking à grande contenance car Chevalley devient aujourd'hui un terminal modulaire véhicule particulier- bus. Quelqu'un qui vient de Draria ou de Zeralda et qui doit stationner à Bab El oued ou Place des martyrs gagnera du temps à laisser sa voiture à Chevalley. De même les nouveaux téléphériques – notamment le Tafourah- El Biar - vont préserver le centre de ville d'une partie de l'afflux quotidien de voitures ». Les Algérois vont devoir apprendre à changer de modes de transports plusieurs fois sur un même trajet, eux qui pour leur grand nombre changent de mini-bus aujourd'hui. Le procédé cible le train de banlieue également. Le trafic annuel prévisionnel en 2010 après électrification du réseau banlieue algéroise est de 60 millions de voyageurs. La SNTF prévoit d'apporter ces flux dans un système de transport intégré avec les autres modes. Ainsi quatre gares dites de rabattement desservies par bus sont en projet à Bab Ezzouar, Rouiba, Aïn Naâdja sud et Birtouta sur l'intersection avec la seconde rocade sud d'Alger. De même qu'est prévu une gare de correspondance train-métro à Hamma et une autre de correspondance avec le tramway à Carroubier. Pendant des années les autorités algériennes ont cherché à desserrer l'étreinte de l'habitat à Alger intra-muros en proposant le pis-aller des grands ensembles de cités (Bachdjarah, Ain Naadja, Bab Ezzouar,…) . La révolution des transports et des délais de trajets peu faire très vite de la sortie d'Alger un choix de vie recherché et plus seulement en vue de l'auto-construction. La détente des prix de l'immobilier, elle, viendra plus tard. Si elle vient un jour.